Il s’agit d’un concept flou, mais, dans les grandes capitales du monde, on ne manque pas de parler de sécurité économique. Jusqu’à récemment, presque personne ne s’en souciait car la plupart des pays suivaient les règles de l’ordre libéral multilatéral, adhéraient à la mondialisation et pensaient même que l’interdépendance économique garantirait une paix durable et de bonnes relations entre l’Occident, la Russie et la Chine.
Toutefois, à l’heure des risques géopolitiques, de la guerre en Europe, de l’antagonisme croissant entre Washington et Pékin, des pandémies et du changement climatique, les gouvernements du monde entier s’efforcent de définir de nouvelles stratégies pour renforcer leur sécurité nationale. Et la sécurité économique apparaît comme l’un des aspects essentiels.
La tâche est difficile pour tous, mais elle l’est encore plus pour une Union européenne (UE) qui, en plus de ne pas être une union politique, n’a pas été conçue pour faire face à la concurrence des grandes puissances ou à l’utilisation de l’interdépendance économique comme arme de guerre. L’UE doit réagir. Bien que certaines initiatives aient été mises sur la table, il n’y a pas d’accord sur les objectifs, les moyens et les priorités de la sécurité économique. Deux positions peuvent être distinguées.
La première considère que les tensions géopolitiques peuvent être gérées au fur et à mesure qu’elles apparaissent et souligne la nécessité de préserver l’ouverture et les règles multilatérales. D’un autre côté, certains affirment que l’UE doit s’adapter à la nouvelle réalité géopolitique en donnant la priorité aux politiques industrielles, aux subventions, à la protection des secteurs stratégiques et à la réduction des échanges avec les pays qui ne sont pas considérés comme « partageant les mêmes idées ».
Pour un marché européen intégré de la défense
Ces deux visions sont erronées. La première sous-estime la possibilité et les coûts d’une confrontation géopolitique majeure. Mais ceux qui prônent un changement radical sont naïfs quant à la faisabilité de la restructuration des chaînes d’approvisionnement : les subventions ne peuvent pas modifier l’avantage comparatif à long terme, et le coût d’une telle tentative pourrait devenir prohibitif. Les coûts de la fragmentation de l’économie mondiale en blocs concurrents sont estimés à 7 % du produit intérieur brut mondial par le Fonds monétaire international. Un tel scénario frapperait l’Europe de plein fouet. Il est donc nécessaire d’apporter une réponse plus précise, qui devrait se concentrer sur quatre domaines.
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