« Les Emirats et les compagnies pétrolières financent la transition verte avec la manne du pétrole »

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Il y a quelque chose d’absurde dans ce qui prétend être une « gouvernance » mondiale du climat. En quelques heures, les Emirats arabes unis en ont fourni une nouvelle illustration : Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc), sa compagnie pétrogazière, a annoncé, lundi 1er mai, un accord de près de 1 milliard d’euros pour fournir, durant trois ans, à TotalEnergies du gaz naturel liquéfié destiné aux marchés asiatiques ; quelques heures plus tard, à l’occasion du Dialogue de Petersberg sur le climat, réuni à Berlin, son ministre de l’industrie et des technologies appelait à « tripler », d’ici à 2030, la capacité de production d’énergies renouvelables pour freiner le réchauffement de la planète.

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Sultan Ahmed Al-Jaber n’est pas n’importe qui dans le monde de la transition énergétique. Ministre et patron de l’Adnoc, il préside, depuis janvier, la Conférence des Nations unies sur le changement climatique. C’est lui qui organisera la COP28 en décembre, à Dubaï, une ville sortie du désert dont l’empreinte carbone par habitant est l’une des plus élevées du monde. Les mouvements écologistes tempêtent : c’est comme si l’on demandait au PDG d’un géant du tabac de présider un congrès médical sur le cancer !

Non pas que ces deux acteurs soient restés l’arme au pied dans le combat contre le réchauffement climatique. TotalEnergies investit dans les renouvelables et les technologies bas carbone (5 milliards d’euros en 2023) – mais quatre fois moins que dans son cœur de métier des hydrocarbures. Les Emirats ne sont pas les plus « écocides » non plus. Prévoyant la fin inéluctable du pétrole, leurs dirigeants misent depuis quinze ans sur le solaire, le nucléaire et désormais l’hydrogène. La puissante société Masdar a essaimé dans quarante pays et peut prendre le risque d’implanter parcs solaires et éoliens dans les nations émergentes d’Afrique et d’Asie centrale.

Les limites de la « technolâtrie » des pays riches

La pétromonarchie a, sans conteste, plusieurs longueurs d’avance sur l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Koweit. C’est ainsi qu’Ahmed Al-Jaber, également président de Masdar, peut faire le tour du monde pour présenter ses lettres de créance écologiques aux plus hauts dirigeants, comme il l’a fait, mi-mars, avec Emmanuel Macron. Il a aussi reçu l’onction de Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne et fer de lance du combat pour le climat à Bruxelles.

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Les meilleures intentions n’effacent pourtant pas les conflits d’intérêts : les Emirats et les compagnies pétrolières financent la transition verte – gourmande en ressources énergétiques et minières – avec la manne de l’or noir. Elles ne font pas non plus oublier la réalité, dénoncée par le philosophe Dominique Bourg et l’historien Johann Chapoutot dans « Chaque geste compte ». Manifeste contre l’impuissance publique (« Tracts », Gallimard, n° 44, 2022) : les limites de la « technolâtrie » des pays riches, censée répondre aux catastrophes qui s’annoncent.

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