L’avertissement de Saint-Brevin

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Il est des démissions qui résonnent comme des signaux d’alarme. Celle de Yannick Morez, maire (divers droite) de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), qu’il a rendue publique mercredi 10 mai, quelques semaines après l’incendie criminel qui a visé son domicile, et après des mois de menaces liées à son soutien à un projet de déplacement et d’extension d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile, en est un. Un signal d’une gravité toute particulière, dans un pays qui, depuis 1946, inscrit le droit d’asile parmi les principes suprêmes de sa Constitution.

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L’alarme retentit d’abord parce que la défection de M. Morez, après une campagne hostile sur les réseaux sociaux et une série de manifestations, apparaît comme un succès des manœuvres d’intimidation de l’extrême droite. Alors qu’un centre pour migrants a accueilli 400 personnes sans problème depuis sept ans à Saint-Brevin, quelques activistes ont réussi à semer la zizanie dans la commune en appelant à « protéger nos enfants des migrants » sous prétexte de la relocalisation du foyer à proximité d’une école. Les militants de Reconquête !, le parti d’Eric Zemmour, qui tentent de faire oublier leur échec cuisant à la présidentielle, ont réussi, comme en janvier à Callac (Côtes-d’Armor), à transformer une localité tranquille en un lieu d’affrontement et de propagande autour de leur fantasme de submersion migratoire.

L’opposition apparente entre la jubilation violente des amis de M. Zemmour, ravis de la « fuite piteuse » du « maire collabo », et la condamnation, par Marine Le Pen, des « inadmissibles » intimidations visant les élus, ne doit pas faire illusion. Qu’à Paris la cheffe de file du Rassemblement national (RN) fasse assaut de légalisme n’a pas empêché son représentant local, Gauthier Bouchet, de haranguer les manifestants contre « l’immigration-invasion à Saint-Brevin et partout en France », et d’étaler son mépris envers Yannick Morez. Le parti lepéniste reste en retrait, tout en espérant encaisser, sur son thème favori de l’immigration, les éventuels dividendes liés au retentissement national de l’affaire de Saint-Brevin. Le refus des seuls députés RN, mercredi soir à l’Assemblée nationale, de participer à l’ovation debout en soutien à M. Morez, témoigne de ce double jeu.

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Mais la démission du maire sonne aussi comme un double échec de l’Etat. Echec à protéger l’élu ouvertement menacé – dans un contexte national de multiplication des violences dénoncée par l’Association des maires de France – et à le soutenir, comme il le reproche dans sa lettre de démission. Echec aussi pour Emmanuel Macron, qui, en septembre, avait plaidé justement pour une meilleure répartition des demandeurs d’asile sur le territoire – une politique menée avec succès dans des dizaines de communes –, mais n’a pas voulu ou pas su faire du cas de Saint-Brevin le test de cette politique en intervenant publiquement et personnellement, comme il le fait dans tant d’autres domaines.

Les soutiens gouvernementaux tardifs manifestés envers le maire visé par une campagne de dénigrement, les condamnations de la vingt-cinquième heure des attaques qui l’ont conduit à renoncer, sonnent également comme un avertissement, au moment où l’exécutif semble se préparer à défendre un énième projet de loi sur l’immigration. Si ce sujet fait partie des préoccupations des Français et constitue un sujet légitime de débat, et éventuellement de réforme, son instrumentalisation à des fins purement politiciennes finit toujours par profiter aux prêcheurs de haine et de division.

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Le Monde

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