Le sujet est particulièrement sensible en Belgique. En 2019, le gouvernement de la Wallonie, composé des socialistes, des libéraux et des écologistes, avait créé la surprise en prévoyant d’imposer la carafe d’eau gratuite aux restaurateurs de la région. Finalement, il ne compte pas honorer sa promesse, a révélé, mercredi 1er mars, le quotidien La Libre Belgique.
« L’idée était de démocratiser l’accès à l’eau », explique Willy Borsus, vice-président et ministre wallon de l’économie. Néanmoins, dans un contexte économique difficile, « nous n’avons pas voulu ajouter cet élément de contrainte » pour les restaurants et les cafés, poursuit le libéral, qui n’exclut pas que le sujet revienne un jour à l’ordre du jour politique.
Depuis quelques années, des voix s’élèvent pour demander un meilleur accès à l’eau, un bien de première nécessité, qui permet de pallier la déshydratation causée par l’alcool. De ce mouvement est née l’application Free Tap Water Belgium, qui recense plus de 900 établissements belges offrant une carafe d’eau, un geste également pour l’environnement.
« C’est une responsabilité sociétale. De plus, rendre l’eau gratuite, c’est mieux protéger les personnes dépendantes à l’alcool qui ne vont pas dépenser leur argent pour de l’eau. Cela vaut aussi pour les jeunes », insiste Martin de Duve, alcoologue et directeur de l’association Univers Santé, précisant qu’en Belgique « l’eau est parfois plus chère que la bière ».
Succession de crises
Une bouteille d’eau achetée 80 centimes d’euros peut être vendue deux, voire dix fois plus cher, selon le standing des établissements, qui en tirent beaucoup de revenus. Cela fait aussi le bonheur des producteurs d’eau minérale, dont 30 % du chiffre d’affaires est lié aux restaurants et cafés, d’après l’association sectorielle de l’Industrie belge des eaux et boissons rafraîchissantes (FIEB).
Les deux secteurs s’étaient déjà indignés lorsque la Commission européenne avait songé, en 2018, à imposer, par le biais d’une directive, l’eau gratuite dans les restaurants. La région wallonne a ensuite relancé cette idée qualifiée de « saugrenue » par Luc Marchal, président de la Fédération HoReCa (Hôtels, Restaurants, Cafés) Wallonie, qui rappelle que l’eau gratuite a un coût (service à table, nettoyage…).
Or, depuis 2019, les restaurateurs ont été confrontés à une succession de crises, liées à la pandémie de Covid-19, aux inondations qui ont frappé la région en 2021 et à l’explosion des prix de l’énergie et des produits alimentaires. « Les marges diminuent. Plusieurs établissements coulent », alerte M. Marchal. Si aucune analyse d’impact n’a été effectuée pour l’instauration de l’eau gratuite, le gouvernement wallon a préféré abandonner cette mesure pourtant populaire. Selon M. de Duve, « les intérêts particuliers ont été privilégiés au détriment de l’intérêt de tous. »
Il vous reste 12.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.