A l’heure du divorce, quelles créances les époux unis sous le régime de séparation de biens peuvent-ils réclamer ? Depuis le 15 mai 2013 (11-26.933), la Cour de cassation juge que celui qui a payé les échéances de l’emprunt ayant financé l’achat, en indivision, du logement familial, ne peut en demander le remboursement : ces règlements, tout comme ceux d’un loyer, sont qualifiés de « contributions aux charges du mariage ».
Or ces charges sont présumées, par le code civil (article 214), avoir été assumées en fonction des revenus respectifs des époux, et ne pas donner lieu à restitution. Le développement de cette jurisprudence (dont l’épouse est le plus souvent bénéficiaire) a été critiqué par les commentateurs, au motif qu’il « dénaturait » le régime séparatiste. Le 3 octobre 2019 (18-20.828), la Cour l’a donc freiné.
Elle a jugé que lorsque le financement du bien indivis se fait par un apport en capital, il donne droit à une créance. Cette interprétation de l’article 214 du code civil, confirmée en 2021 (19-21.463), vient d’être étendue, dans les circonstances suivantes.
En 2010, M. X et Mme Y se marient sous le régime de séparation de biens. En 2011, Mme Y reçoit de son père un terrain, sur lequel les époux font construire une maison, affectée au logement de leur famille. Comme « la propriété du sol emporte la propriété du dessus », cette maison constitue un bien propre de Mme Y, et non un bien indivis. Même si c’est M. X qui, de 2011 à 2013, règle l’emprunt immobilier (1 116 euros par mois), tandis que son épouse paie les dépenses du ménage (1 800 euros par mois).
Epargne salariale
En 2016, M. X, aux torts duquel le divorce a été prononcé, en raison, notamment, de violences conjugales, réclame la restitution de quelque 118 000 euros. Il ne l’obtient pas, les juges constatant qu’il n’a pas « fourni une surcontribution aux charges du mariage », puisque, avec un salaire de plus du double de celui de son épouse, il a dépensé moins qu’elle.
En 2020, il ne réclame plus que 36 000 euros, correspondant à une facture de maçonnerie, qu’il a payée avec un capital provenant de son épargne salariale. Il soutient que la nouvelle jurisprudence doit s’appliquer aussi au financement du bien du conjoint.
La cour d’appel de Chambéry (Savoie) le refuse, et juge, le 29 juin 2021, que le paiement litigieux relevait de la « contribution aux charges du mariage ». La Cour de cassation, que M. X saisit, censure son arrêt, le 5 avril (2023, 21-22.296) : « L’apport en capital de fonds personnels », destiné à financer le bien de l’épouse, « ne participe pas de l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage »… sauf « convention contraire », qui, en l’occurrence, n’existe pas.
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