Côté pile, Hardelot, une station balnéaire huppée, avec ses villas cossues de style anglo-normand et ses allées arborées en retrait du bord de mer. Côté face, Neufchâtel, un bourg rural avec ses maisons plus modestes et sa route principale desservant la mairie, le cimetière et quelques commerces.
Bienvenue à Neufchâtel-Hardelot, une commune de 4 000 habitants – plus de 10 000 en comptant les résidences secondaires –, sur le littoral de la Côte d’Opale, dans le Pas-de-Calais. Dans ce paysage mêlant dunes de sable et forêt domaniale, difficile à première vue de mesurer la fracture entre ces deux quartiers sociologiquement très différents.
En janvier, la préfecture a donné son accord pour l’ouverture d’une enquête publique pour une séparation entre Neufchâtel et Hardelot. Elle pourrait être lancée dans les prochaines semaines. Une demande de divorce rarissime en France, à rebours de la politique de fusion des communes encouragée depuis les années 1970 afin de réaliser des économies d’échelle. Une poignée de procédures de « défusion » ont émergé ces dernières années.
Des habitants de la commune de Sainte-Suzanne, dans les Pyrénées-Atlantiques, cherchent ainsi à se séparer d’Orthez. Même chose dans le Maine-et-Loire, entre Morannes
et Chemiré-sur-Sarthe. Le cas de Neufchâtel-Hardelot est en revanche inédit : la commune n’est pas issue d’une fusion. Hardelot ne représentait qu’une section cadastrale de Neufchâtel jusqu’en 1954, quand un décret du ministère de l’intérieur décida que le village s’appellerait Neufchâtel-Hardelot.
Dernière roue du carrosse
L’initiative du divorce a été lancée par un habitant, Xavier Lebray. Fin 2020, il crée le Comité pour l’autonomie d’Hardelot. Agé de 73 ans, cet ancien avocat à la retraite, qui officiait en banlieue parisienne, a fait construire sa résidence secondaire en 1978. Il y séjourne environ quinze jours par mois, et « se sent ici comme chez lui ». Avec le sentiment immuable qu’Hardelot est la dernière roue du carrosse.
« Allez constater les crevasses sur l’avenue Foch et celle du Maréchal-Joffre. Vous ne trouverez pas une route en si piteux état à Neufchâtel. C’est bien la preuve qu’il y a une différence de considération. » Une situation d’autant plus anormale, selon lui, que « 90 % de l’argent public local, composé des retombées économiques drainées par les activités touristiques du bord de mer, les restaurants, les hôtels et des taxes payées par les riches résidences secondaires, proviennent d’Hardelot ».
Dès lors, plus question d’en faire profiter Neufchâtel. Pour cela, la procédure prévoit le dépôt de deux pétitions à un an d’intervalle, devant être signées par au moins un tiers des électeurs inscrits à Hardelot. Le Comité a envoyé la première le 21 juin 2021 et la seconde en décembre 2022 à la préfecture, qui a ensuite acté la demande de divorce. De quoi
susciter l’indignation de Paulette Juilien-Peuvion, maire (Union des démocrates et indépendants, UDI) de Neufchâtel-Hardelot depuis 2017.
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