« Derrière chaque épi, il y a des patients. » Bottes aux pieds, Thomas Brisset s’enfonce dans le vaste champ de flouve en pleine floraison, délogeant machinalement au passage quelques tiges indésirables. « Du vulpin », s’excuse-t-il. Depuis son arrivée chez Stallergenes Greer, l’ingénieur veille jalousement sur les récoltes des pollens de graminées semées par le groupe. « C’est la matière première de nos médicaments. On surveille cela comme le lait sur le feu. »
Le laboratoire pharmaceutique s’est imposé depuis plus d’un demi-siècle comme une référence dans la fabrication d’immunothérapies allergéniques, ces traitements de désensibilisation destinés à soigner les allergies sévères.
« Le principe est d’administrer quotidiennement au patient de petites doses d’allergènes afin de rééduquer son système immunitaire pour qu’il cesse de les considérer comme des ennemis. Contrairement aux antihistaminiques et aux corticoïdes, l’immunothérapie traite la cause de la maladie », explique Dominique Pezziardi, directeur de la filiale tricolore du laboratoire.
Aléas agricoles
Le groupe cultive à cet effet environ 90 hectares de terres dans le Loiret, répartis sur une trentaine de parcelles dans la campagne proche de son site d’Amilly. Au total, cinq variétés, « responsables de 99 % des allergies aux graminées », y sont produites et recueillies chaque année d’avril à mi-juillet : dactyle, fléole, ivraie, flouve et pâturin.
Cette originalité, revendiquée par l’industriel, lui permet de conserver de bout en bout la maîtrise et la qualité de ses approvisionnements. Sans pour autant l’exonérer des aléas agricoles. Ce matin, l’imposante moissonneuse-batteuse, avec sa rampe de 8 mètres de large conçue spécialement pour frotter les pollens sans couper les tiges des plantes, et ses énormes tentacules destinés à aspirer les graines, restera silencieuse à cause du vent. Au-delà de 7 km/h, le pollen s’envole, rendant toute récolte impossible.
A quelques kilomètres de là, dans les bâtiments du groupe situés dans la zone industrielle d’Amilly, les employés du site s’affairent à traiter les moissons des dernières semaines. Après avoir été concassés, les pollens sont placés dans un lyophilisateur pendant trois jours, puis passés sur un tamis vibrant pour en ôter les impuretés. Ils sont ensuite dégraissés et séchés pendant deux jours dans des étuves. En moyenne, 1 hectare de récolte aboutit à 5 kilos de matière traitée.
Plus d’une quarantaine de pays
Expédiée à l’usine d’Antony (Hauts-de-Seine), cette fine poudre de pollen purifié servira à la fabrication − sous forme de comprimés, de solutions orales ou injectables − de traitements de désensibilisation contre les allergies aux graminées, l’un des produits vedettes de la société.
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