« Vous devriez faire la même chose » : c’est ainsi que la secrétaire à l’énergie de Joe Biden, Jennifer Granholm, a éconduit les Européens qui se plaignent des aides massives apportées par l’administration Biden, dans le Chips Act et l’Inflation Reduction Act (IRA). Adoptées à l’été 2022, ces deux lois subventionnent respectivement à hauteur de 52 et 369 milliards de dollars (49 et 347 milliards d’euros) l’industrie des microprocesseurs et la transition énergétique. Il y a en a pour tout le monde, au point que la Maison Blanche a publié un petit texte explicatif de… 184 pages sur l’IRA. Et toute l’Amérique de l’énergie jubilait début mars à la CERAWeek de Houston, le forum du pétrole et de l’énergie organisé par S&P Global, la maison mère de l’agence de notation, tant cette politique change la donne industrielle outre-atlantique.
Aux Etats-Unis, on ne se demande pas si une énergie est bleue ou verte. Grâce au sénateur de Virginie-Occidentale, le démocrate Joe Manchin, qui multiplia les exigences pour voter le texte cet été, tout a droit à des crédits : le nucléaire, l’hydrogène, le solaire, l’éolien, le réseau électrique, les voitures électriques, les reconversions des usines automobiles ou d’électricité, l’isolation des maisons individuelles… Sous forme d’aides à l’investissement ou de crédit à la production – telle somme est versée pour tout kilowattheure propre produit ou telle quantité de CO2 séquestré – à condition, notamment, que les salaires soient conformes aux exigences de l’Etat fédéral.
Bref, une jubilation nationale se répand, au nom de l’indépendance stratégique et de la transition énergétique dont les Etats-Unis se veulent les champions. Donald Trump avait rêvé d’« America first ». C’est Joe Biden qui le réalise. L’union sacrée est telle qu’Elon Musk a même été reçu à la Maison Blanche, remercié publiquement sur Twitter par Joe Biden pour mettre à disposition son réseau de bornes de recharge automobile. Tout cela se fait dans un superbe isolement, avec un pays qui est fermé à l’immigration et souffre de pénurie de main-d’œuvre.
« Carotte ou bâton »
Dans cette atmosphère d’allégresse, peu de voix critiques s’expriment. Mais il en fut de même lorsque Joe Biden adopta au début de son mandat un plan de relance à contretemps et excessif qui contribua à faire réapparaître l’inflation. Etalées sur dix ans, les sommes en jeu paraissent faibles – moins de 0,2 % du PIB chaque année –, mais elles permettent de doper les marges ou de réduire les coûts d’installation, ce qui rend soudain de nombreux investissements rentables. L’effet est donc plus fort qu’il y paraît.
Il vous reste 51.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.