Journalistes et techniciens de la chaîne Euronews se sont mis en grève dans la soirée de jeudi 16 mars, en réaction à la mise en œuvre du plan massif de licenciements annoncé par la direction, au cours d’un conseil social et économique extraordinaire.
Votée « très majoritairement » en assemblée générale, selon les syndicats, la grève est prévue jusqu’à lundi 20 mars, possiblement reconductible. Pour les salariés en grève, le plan ne relève pas d’une restructuration, comme le prétend la direction, mais d’un « démantèlement qui remet en cause la vocation essentielle de la chaîne européenne ». « Avec ce plan qui supprime des pans entiers de notre activité, la ligne éditoriale d’Euronews est complètement remise en cause, la marque de la chaîne est désormais détournée. L’information internationale n’est plus du tout la priorité du projet qui nous est imposé », déclare Marie Jamet, déléguée du Syndicat national des journalistes.
Neuf mois après son rachat par le fonds d’investissement portugais Alpac Capital, la chaîne Euronews, située à Lyon, fait l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), qui prévoit 197 licenciements sur un effectif de 349 salariés permanents, selon le dernier comptage des syndicats. Ce plan supprime les deux tiers de la rédaction. Seules les équipes française et russe resteraient finalement à Lyon, siège de la chaîne depuis sa création, en 1993.
Une perte de 20 millions d’euros en 2022
L’immeuble à l’architecture futuriste, situé sur les bords de Saône, est mis en vente depuis le début de l’année. En 2022, Euronews a affiché une perte de l’ordre de 20 millions d’euros. Le plan de licenciement a pour but de « sauvegarder » la chaîne, afin qu’elle reste un « véritable média européen », a justifié Guillaume Dubois, directeur général, en annonçant le plan devant les salariés, jeudi 2 mars. Le projet de la direction d’Euronews, qui espère un retour à l’équilibre financier « d’ici à 2025 », vise à créer plus de cent postes à Bruxelles, dont soixante-dix journalistes. Cinquante autres postes de journalistes doivent être ouverts dans six grandes capitales européennes : Berlin, Rome, Madrid, Lisbonne, Londres et Paris.
« Il n’y a aucune volonté affichée de réembaucher les actuels salarié·e·s d’Euronews, ni dans les propos ni dans les actes », rétorque le communiqué de l’intersyndicale, estimant que « tous les postes ne sont pas recréés et pour ceux qui le sont ils seront ouverts au recrutement externe ». Aussi, « parmi les journalistes licencié·e·s se trouvent des consœurs et confrères russes et turcs qui ne peuvent pas rentrer dans leurs pays sous peine d’être emprisonné·e·s », rappelle encore l’intersyndicale.
Avec cette mobilisation qui perturbe fortement l’antenne puisque les bulletins d’informations ne sont pas mis à jour et sont remplacés par des rediffusions de magazines, les grévistes souhaitent peser dans les négociations pour espérer réduire le nombre de licenciements prévus par la direction. Ils cherchent également à obtenir de meilleures conditions de départ (que ce soit pour les CDI mensualisés ou à la pige, CDD, CDDU, intermittents et techniciens), ainsi qu’un dédommagement pour ceux qui devront faire la passation avec les sous-traitants qui géreront prochainement la diffusion et la production.
Estimant que la direction de la chaîne a jusqu’ici semblé inflexible à leurs demandes, syndicats et grévistes en appellent désormais aux plus hautes instances européennes, et à chaque dirigeant des Etats membres, pour alerter sur la situation sociale d’Euronews, et la signification politique de cette brutale restructuration.
« Service public essentiel »
« Au moment où la chaîne devait fêter ses trente années d’existence, au moment où l’histoire nous invite à la relance de l’Union européenne face aux crises et à la guerre, la chaîne Euronews est démembrée. Chaque dirigeant politique doit prendre position et nous dire s’il faut nous abandonner, et en finir avec la seule chaîne d’information internationale d’échelle européenne. S’ils ne veulent plus de ce service public essentiel, nous partirons au chômage, mais qu’ils assument devant l’histoire », confie au Monde Alexis Caraco, délégué de la CGT.
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La direction affirme que la vocation de la chaîne s’inscrit dans un suivi de « l’actualité des institutions européennes ». Les journalistes d’Euronews craignent que la chaîne européenne ne perde sa vocation informative, au profit « d’une chambre d’écho des lobbyistes, à destination des 10 000 technocrates des structures de Bruxelles », selon Alexis Caraco.
Les salariés en grève en appellent particulièrement au président de la République, Emmanuel Macron. « Ne laissez pas un fonds d’investissement nous détourner de notre mission de service public, ne le laissez pas licencier 200 personnes en France, au nom d’un projet incertain », insiste le communiqué de l’intersyndicale de la chaîne.