APPLE TV+ – À LA DEMANDE – SÉRIE DOCUMENTAIRE
« Je suis un très bon ami, mais je peux aussi devenir un grand ennemi. L’histoire n’est pas finie. » Ainsi parle Michael Taylor, ancien membre des forces spéciales américaines, qui a orchestré la spectaculaire évasion de Carlos Ghosn dans une malle de musicien après son arrestation à Tokyo, en novembre 2018.
Il en veut à l’ancien patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, toujours réfugié au Liban. Il lui reproche de ne pas s’être manifesté lorsque son fils et lui ont été extradés des Etats-Unis et emprisonnés à Tokyo pour avoir organisé sa cavale. Il n’a pas proposé non plus de les aider à régler leurs frais d’avocat, dont le montant approche le million de dollars. Les deux Américains, sans qui l’ex-patron star serait sans doute encore au Japon, sont pourtant apparentés à la famille de son épouse, Carole. C’est l’une des révélations de la série documentaire d’Apple TV+ A la recherche de Carlos Ghosn.
Le réalisateur James Jones ne fait pas languir les spectateurs. Dès les premières images, Carlos Ghosn, 69 ans, très en forme, apparaît et s’installe face à la caméra. Carole Ghosn répond aussi aux questions. Le ton est donné : la série leur donne la parole et leur permet de fournir leur version des faits. Le fil rouge des quatre épisodes de quarante minutes : Carlos Ghosn est-il la victime d’une machination ou le méchant de l’histoire, le super-héros qui tourne mal ? En anglais : « Victim or villain ? »
Images-chocs
La série s’appuie sur le livre de deux journalistes du Wall Street Journal, Nick Kostov, basé à Paris, et Sean McLain, à Tokyo. La vie de Carlos Ghosn, son ascension professionnelle, son succès au Japon, sa famille et la fameuse fête organisée au château de Versailles pour les 15 ans de l’Alliance Renault-Nissan fournissent suffisamment d’images-chocs pour que le réalisateur n’ait pas à forcer sur l’accompagnement sonore ni sur les reconstitutions par des figurants pour créer le suspense. En fin d’épisode, une succession de scènes flashs, comme un diaporama, annonce les rebondissements du suivant et conduit assez irrésistiblement à enchaîner…
La série répond très bien à une interrogation soulevée par l’arrestation de Ghosn : comment le PDG a-t-il pu monter si haut dans l’estime des Japonais puis retomber si violemment, au point de finir en prison, sans aucune compassion ni aucun soutien ? Débordé par la direction de deux entreprises, il a mis plus d’une dizaine de jours, en mars 2011, à venir soutenir les salariés de Nissan après le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima. Il a alors perdu son statut de surhomme, devenant un villain.
Et puis il y a cette note que les enquêteurs retrouveront dans son téléphone. Il y égrène le solde de ses comptes en banque : 52 millions au Japon, 62 millions en France, 31,5 millions en Suisse, 39 millions au Liban, 97 millions en Amérique. Suivi de cette précision : « Compléter par fuse à mille », en clair, faire la fusion Renault-Nissan pour atteindre le milliard (on suppose que ce sont des dollars).
Comment Carlos Ghosn justifie-t-il ce rapport à l’argent ? « J’ai toujours recherché l’autonomie : ne pas dépendre d’autres personnes pour mener sa vie. Quand vous dites “l’argent est important”, c’est dans ce contexte d’autonomie : intellectuelle, émotionnelle, physique et financière », dit-il. Ses silences, finalement, sont plus éloquents.
A la recherche de Carlos Ghosn, série documentaire de James Jones (RU, 2023, 4 x 40 min). Disponible à la demande sur Apple TV+.