Décidément, il n’est pas facile de sortir du « quoi qu’il en coûte » tout en restant dans le « en même temps ». Eternelle histoire du beurre et de l’argent du beurre. En février, la première ministre, Elisabeth Borne, annonçait un grand plan d’investissement dans le ferroviaire français : 100 milliards d’euros d’ici à 2040.
Avec un objectif clair, basculer le plus de Français possible de la voiture vers le train en passant la part de marché kilométrique de la voiture de 80 % actuellement à moins de 70 % et ainsi réduire de près de 14 % nos émissions de gaz à effet de serre. Objectif louable et nécessaire si l’on veut lutter contre le réchauffement climatique, puisque les transports sont le seul domaine de l’économie qui n’a absolument pas baissé ses émissions de gaz à effet de serre depuis trente ans.
Mais patatras, quelques mois plus tard on constate que l’Etat n’a pas l’argent de ses ambitions. Son idée de ponctionner les sociétés d’autoroutes, sans augmenter le péage, se perd dans les batailles juridiques, tandis que la SNCF n’a pas les moyens financiers d’assumer seule ce plan qui nécessiterait en théorie 7 milliards d’euros d’investissement par an.
La recette
D’autant qu’« en même temps », on demande à la compagnie de baisser ses prix avec un passe mensuel à 49 euros et que l’on s’inquiète du prix de l’essence. Résistant pour l’instant aux pressions politiques en faveur d’une nouvelle ristourne sur les tarifs à la pompe, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, n’en demande pas moins à TotalEnergies de repousser encore son gel des tarifs dans ses stations. A ce rythme, on n’est pas près de faire préférer le train aux Français.
De plus, comme le rappelaient récemment dans une tribune dans Le Monde les experts de la mobilité Jean Coldefy et Yves Crozet, en dépit d’un effort de près de 120 milliards d’euros dans le train et les transports urbains entre 1998 et 2018, la part du ferroviaire dans les transports n’est passée que de 9 % à 11 %.
Pourtant la fréquentation du chemin de fer a augmenté, mais l’usage de la voiture aussi et la fréquentation de l’avion a quasi doublé ! D’ailleurs, l’étude annuelle de l’Observatoire société et consommation (ObSoCo) sur les mobilités confirme cet attachement des Français à la voiture. D’où leur sensibilité au prix à la pompe. Le seul mode de transport qu’ils prétendent vouloir réduire est l’avion.
Seul exemple réussi de transfert, celui des centres des grandes villes, notamment Paris, où le trafic routier a été divisé par deux. La recette, une offre alternative forte de transports publics, l’usage du vélo et une contrainte à l’utilisation de l’automobile. Un transfert important mais qui ne touche que les urbains, souvent aisés. Les usagers sondés par l’ObSoCo le confirment, le prix, la disponibilité et le temps de trajet sont les trois facteurs-clés qui emportent la décision d’un changement de transport.
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