dimanche, décembre 28

Alors qu’ils auraient dû être une centaine à retrouver la liberté en Cisjordanie occupée, seuls 88 détenus palestiniens condamnés à de lourdes peines en Israël sont arrivés à Ramallah, lundi 13 octobre, dans le cadre de l’échange avec les derniers otages israéliens encore détenus par le Hamas dans la bande de Gaza. Ceux qui manquent à l’appel vont être relâchés à Gaza ou expulsés à l’étranger.

Avec notre correspondant à Ramallah, Lucas Lazo

Immense confusion à l’arrivée des deux bus de la Croix-Rouge. C’est sous les acclamations de la foule réunie depuis les premières heures du jour que les 88 prisonniers palestiniens désormais libres sont accueillis à Ramallah, keffieh noué sur les épaules, le regard fier mais la démarche chancelante. « C’est un sentiment indescriptible, un mélange de douleur, de tristesse et de joie immense, je ne peux pas vous le décrire », confie Amira.

Drapée dans sa robe rouge et noir finement brodée qu’elle réserve pour les grandes occasions, celle-ci se jette au cou de son frère à peine descendu du bus. « Après plus de 24 ans, la vie fait son retour, le soleil se lève à nouveau. Il a été condamné à une peine de prison à vie. Le plus important maintenant, c’est sa santé. Nous voulons aussi le marier et rencontrer ses futurs enfants », reprend-t-elle.

« Nous voudrions le serrer dans nos bras »

« Une immense déception », c’est en revanche le sentiment qui a envahi cette autre femme, un peu plus tôt dans la matinée, lorsqu’elle a appris que son propre frère, qui devait lui aussi être libéré à Ramallah, en Cisjordanie occupée, serait finalement envoyé à l’étranger. « Mon frère est sur la liste de ceux qui seront déportés. Mais où ? À Gaza ? En Égypte ? En Turquie ? Nous ne le savons pas. C’est une immense déception », déclare-t-elle.

Si la liste des 250 prisonniers palestiniens condamnés pour crimes de sang échangés contre les otages détenus par le Hamas a fait l’objet d’âpres négociations, les autorités israéliennes y ont opéré des changements de dernière minute. « Les Israéliens disposent de toutes les informations sur leurs proches, ils sont sûrs qu’ils vont revenir. Alors nous aussi nous devrions avoir le droit de savoir si nos prisonniers seront libérés ici ou ailleurs », reprend cette dernière.

Arrivée la veille de Naplouse, la sœur de ce prisonnier accompagnée de ses enfants avait préparé un sac, des vêtements, des fruits, du café, pour accueillir son frère dignement. Mais c’est sans lui qu’elle est repartie. « Bien sûr, nous sommes heureux de savoir qu’il va recouvrer la liberté. Mais en même temps, après toutes ces années, nous voudrions le serrer dans nos bras ! », lance-t-elle encore.

« Nos conditions de détention sont très difficiles »

Assaillis par leurs proches, les détenus libérés ont les traits tirés. Des stigmates de violences qui barrent leurs visages, témoignages de mauvais traitements reçus dans les prisons israéliennes, n’échappent pas à cette mère inquiète : « Je voudrais préparer à mon fils un plat de fête, mais je sais que quand les prisonniers sont libérés, ils ne peuvent pas manger parce qu’ils sont en mauvaise santé. Quant à cette journée, elle n’a rien d’un grand jour, il y a eu énormément de morts et de blessés à Gaza. »

Les sentiments sont partagés, les célébrations mesurées : il faut dire que ces derniers jours, l’armée israélienne a menacé les familles de représailles en cas de démonstrations trop politiques. Jusqu’au bout, la détention aura été un calvaire. Cet homme qui préfère garder l’anonymat a le regard hagard, les cheveux ras, le visage barré de plaies récentes.

Il a grandi dans le camp de Tulkarem, en Cisjordanie occupée, et revient sur ses derniers instants dans la prison israélienne d’Ofer où il a été transféré avant sa libération : « Nos conditions de détention, dit-il, étaient très difficiles, c’est vraiment quelque chose d’incroyable. Nous avions peur 24 heures sur 24.  Et quand on est arrivés dans la prison d’Ofer, juste avant d’être libérés, on était terrorisés, les gardiens avaient envie de nous tuer ».

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« J’aurais aimé que tous les prisonniers soient libérés »

Les prisonniers se montrent méfiants. À la veille de leur libération, des officiers du service de renseignement intérieur israélien seraient venus les intimider dans leur cellule, leur ordonnant de ne rien révéler sur le système carcéral de l’État hébreu, selon le témoignage de cet ex-détenu. « Les policiers nous ont frappés sur les jambes avec des matraques, ils ont tenté jusqu’au dernier moment de briser notre bonheur. »

« Nous sommes libres et nous sommes réunis avec nos familles, poursuit celui-ci. J’ai été emprisonné durant dix ans, j’aurais dû passer quinze ans en cellule, mais grâce à Dieu nous sommes libres. J’aurais aimé que tous les prisonniers soient libérés. »

Sur la centaine de prisonniers palestiniens qui étaient attendus dans la matinée du lundi 13 octobre en Cisjordanie occupée, seuls 88 ont été libérés. Les autres seront envoyés en Turquie, à Gaza ou en Égypte. L’échange avec les otages israéliens encore détenus par le Hamas s’est néanmoins déroulé sans incident, dans une liesse contenue, sous la supervision de la Croix-Rouge. Mille sept cents Gazaouis notamment, arrêtés après le 7-Octobre, sont rentrés chez eux, dans un territoire désormais dévasté.

Selon le service israélien des prisons, il y avait 11 000 détenus palestiniens à la veille de ces libérations. Ils seraient donc encore 9 000 dans les centres de détention, la plupart d’entre eux n’ayant jamais été confrontés à un juge.

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