mardi, mai 21
La ministre de l’éducation nationale, Nicole Belloubet, à Paris, le 5 avril 2024.

L’épineuse question du non-remplacement des enseignants absents se déplace sur le terrain judiciaire. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l’Etat pour « carence dans l’organisation du service public de l’enseignement » dans huit des douze affaires qui lui ont été soumises, fait-il savoir, mercredi 10 avril. Trois autres cas ont été renvoyés et une requête a été rejetée.

Si de telles condamnations ne sont pas inédites, elles restent rares jusqu’à présent et font suite aux actions de la fédération de parents d’élèves FCPE et du collectif #onveutdesprofs. Ce dernier revendique le dépôt de 340 requêtes dans 20 académies depuis le printemps 2022. « Ce sont les premières affaires que nous gagnons dans le cadre de cette action collective, se félicite l’avocat Louis le Foyer de Costil. Le principe de la faute de l’Etat est reconnu, de même que le préjudice subi. »

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Les deux décisions mises en ligne sur le site du tribunal racontent des histoires que les fédérations de parents d’élèves connaissent bien. Dans le premier cas, une élève de CE2 a perdu 30 jours de cours sur l’année scolaire 2021-2022. Dans le second cas, une collégienne a perdu 117 heures d’enseignement en 6e et 39 heures en 5e. Le nombre d’absences non remplacées a pu atteindre jusqu’à 220 heures de cours sur les 936 que compte une année scolaire au début du collège, dans les affaires jugées à Cergy.

« Perte de chance »

Le tribunal a ainsi condamné l’Etat pour le non-remplacement d’absences prolongées ou plus ponctuelles, mais récurrentes, dans les écoles comme dans les collèges. Le rapporteur public a considéré « une rupture continue d’enseignement sur une période supérieure à trois semaines » comme préjudiciable pour l’élève. Pour les absences perlées, il a établi le seuil au-dessus duquel engager la responsabilité de l’Etat à environ « 15 % du volume annuel total d’une matière obligatoire ».

Il faut pour la juridiction indemniser les familles, eu égard à « la perte de chance de leurs enfants de réussir leurs années et cursus scolaires futurs », en raison de la « rupture de la continuité pédagogique » pour les collégiens et du « retard pris dans l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences » pour les élèves d’école élémentaire. Dans les deux dossiers en ligne, la somme à verser a été établie à 150 euros. Louis le Foyer de Costil regrette le caractère « uniquement symbolique » de ce montant.

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Pour rendre ces décisions, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s’appuie sur une décision du Conseil d’Etat de janvier 1988. « La mission d’intérêt général d’enseignement (…) impose au ministre de l’éducation nationale l’obligation légale d’assurer l’enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes », stipule-t-elle. Or, « le manquement à cette obligation légale » sur « une période appréciable » est constitutif d’une « faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ».

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