Ces derniers mois, 13 jeunes suspects, mineurs pour la plupart, ont été arrêtés et mis en examen.
Des trafiquants de drogue écroués les ont recrutés par téléphone pour commettre des assassinats.
Une enquête exclusive de TF1 dévoile les dessous de cette affaire édifiante.
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LE WE 20H
Ils ont 16 et 18 ans. Pour la justice, ils sont des « tueurs à gage ». Des jeunes assoiffés d’argent, prêts à assassiner pour le compte de mystérieux commanditaires, qui donnent leurs ordres depuis leurs cellules de prison. L’affaire, racontée dans le détail par l’enquête du JT de 20H de TF1, diffusée ce vendredi 23 août, à retrouver dans la vidéo en tête de cet article, débute un lundi soir de l’été 2022 à La Petite Échappée, un confortable bar à chicha situé rue Popincourt, dans un quartier branché du XIe arrondissement de Paris. Une voiture file à toute allure avant de se garer devant l’établissement. Les deux adolescents sortent du véhicule, une kalachnikov et un pistolet de calibre 9 mm en main.
Les photos exclusives de vidéosurveillance, dévoilées ci-dessus par TF1, les montrent entrant dans le bar. En présence d’une dizaine de clients, ils ouvrent le feu immédiatement, tirant une trentaine de balles au total. Leur cible : un homme de 38 ans, vêtu d’un short et d’un maillot de basket rouges, aux couleurs des Chicago Bulls, connu de la justice pour des affaires de drogue. Père depuis un mois, il meurt sur le coup, la vingtaine de balles qui l’ont atteint lui ayant enlevé la moitié du crâne.
Des « scènes d’ultra violence »
L’un de ses assassins réussit à s’enfuir. Son complice, lui, est maîtrisé par les proches de la victime avant d’y parvenir. Les policiers n’en croiront par leurs yeux en découvrant qu’il vient alors de fêter ses 16 ans. Lynché par l’entourage de l’homme abattu, l’adolescent doit la vie sauve à un riverain, qui a accepté de témoigner, sous couvert d’anonymat, auprès de TF1. Lui seul a tenté de s’interposer ce soir-là. « Ce sont vraiment des scènes d’ultra violence. Ils étaient deux, surtout, à se déchaîner sur lui, à coups de tesson dans la figure. Il se faisait massacrer et il hurlait. Les deux lui demandaient qui l’avait envoyé, se souvient-il. Les autres étaient partis sans lui. Il a été lâché, comme s’il ne valait rien. »
En garde à vue, l’assassin présumé reste mutique. Mais la brigade criminelle va comprendre, petit à petit, que cet ancien apprenti cuistot est un sicaire, missionné par des commanditaires sous les verrous pour éliminer leur ennemi. Comme lui, de nombreux jeunes sont régulièrement embauchés pour des règlements de compte de ce genre. Le recrutement se fait par téléphone, comme dans un centre d’appels du crime. Les candidats viennent de Brest, Marseille, Troyes… Ils ne se connaissent même pas quand ils sont, ensuite, chargés de faire équipe.
Ils ne savent pas non plus qui et pourquoi ils doivent tuer. Mais la promesse de se partager 100.000 euros leur fait vite oublier les dizaines d’années de prison encourues. TF1 a eu accès aux centaines de messages que ces jeunes se sont envoyé sur leurs téléphones. Quand l’un des chefs du réseau a besoin de main d’œuvre pour son projet criminel, plusieurs acceptent tout de suite, sans poser la moindre question. Comme sur ces SMS que nous avons reproduits ci-dessous, fautes incluses :
Pendant des semaines entières, à partir de mai 2022, le commando va épier les moindres faits et gestes de la cible. Planques devant son domicile, repérages incessants dans le bar à chicha, en prenant même l’homme en photo, alors qu’il est assis juste devant eux… À Paris, ils achètent leurs panoplies de tueurs chez Décathlon : des cache-cous noirs pour dissimuler leur visage, des chaussettes de foot noires qui remontent haut sur les chevilles et des gants noirs pour ne pas déposer d’ADN sur la scène de crime. Et, le soir venu, ils dorment dans des hôtels bon marché. Dans un mélange troublant de professionnalisme et d’amateurisme, ils publient sur les réseaux sociaux, depuis leur chambre, des photos des futures armes du crime…
Un « cas d’école d’ubérisation du meurtre »
Au total, 13 suspects, dont une étoile montante de la boxe française, ont été arrêtés et mis en examen dans ce dossier. L’enquête montre la facilité déconcertante avec laquelle les chefs du réseau ont donné leurs ordres grâce à de très nombreux téléphones portables, dans des quartiers de prison pourtant particulièrement surveillés. L’homme soupçonné d’être le commanditaire principal est un voyou corse surnommé Tito.
Pour les avocats des deux adolescents, cités par Le Monde, « cette affaire est un cas d’école d’ubérisation du meurtre : des gamins qui avaient à peine conscience de ce qu’ils faisaient, qui n’avaient pas le pouvoir de dire non et obéissaient à des intérêts qui outrepassaient les leurs ».