SYRIE – Si l’attention se porte depuis quelque temps sur la guerre en Ukraine et celle menée par Israël au Proche-Orient, la Syrie est officiellement toujours en guerre civile, et ce depuis maintenant 13 ans.
En cette fin de semaine, jihadistes et factions rebelles du nord du pays ont lancé leur plus grande offensive de ces dernières années contre le régime de Bachar al-Asssad, parvenant en quelques jours seulement à conquérir, selon une ONG, la « majeure partie » de l’emblématique métropole d’Alep.
• Une offensive éclair des jihadistes
Mercredi, les jihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une alliance dominée par l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, et des rebelles soutenus par la Turquie, ont attaqué des territoires du régime dans la province d’Alep et dans la région voisine d’Idleb.
Trois jours seulement auront suffi pour conquérir des dizaines de villages et surtout la « majeure partie » des quartiers d’Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Les combats ont fait plus de 300 morts, principalement des combattants – dont une centaine des forces gouvernementales et leurs alliés – mais aussi 28 civils, selon l’ONG basée en Grande-Bretagne disposant d’un vaste réseau de sources en Syrie.
• Pourquoi une telle attaque maintenant ?
L’opération était préparée depuis plusieurs mois assure Dareen Khalifa, experte de l’International Crisis Group. « Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime », souligne-t-elle, en allusion à de précédents bombardements intensifs de l’armée syrienne et son allié russe, contre des zones rebelles du nord-ouest.
Mais, précise Dareen Khalifa, HTS et ses alliés « observent également le changement régional et géostratégique ». Leur offensive a été lancée le jour même où une trêve entrait en vigueur au Liban entre l’armée israélienne et le Hezbollah – un allié du régime syrien et de Téhéran – et alors que la Russie est en pleine guerre en Ukraine. « Ils pensent que maintenant les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé », explique l’experte internationale.
• Des bombardements de l’armée russe
Vendredi, l’armée russe avait annoncé que son aviation bombardait des groupes « extrémistes » en Syrie, en soutien des forces du régime, selon des agences russes.
« L’armée de l’air russe effectue des frappes sur les matériels et les hommes des groupes armés illégaux, sur les positions, les stocks et l’artillerie des terroristes », avait déclaré un porte-parole du ministère de la Défense cité par les agences russes. Selon celui-ci, 200 combattants ont été « éliminés » dans les dernières 24 heures.
Le Kremlin a par ailleurs appelé les autorités syriennes à « mettre de l’ordre au plus vite » à Alep.
• Le régime affaibli ?
L’offensive constitue indéniablement un coup dur pour Damas. « Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise », estime l’experte internationale Dareen Khalifa. Les rebelles ont coupé la stratégique autoroute M5 reliant Damas à Alep, et un nœud routier assurant la connexion à Lattaquié.
Malgré des combats confirmés par l’armée syrienne, jihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à « aucune résistance significative » assure Rami Abdel Rahmane, qui dirige l’OSDH.
Par le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l’aviation russe et sur les forces du Hezbollah libanais – absorbées elles ces deux derniers mois par leur guerre ouverte contre Israël. Mais « la présence russe s’est considérablement réduite », explique par ailleurs l’analyste Aaron Stein. La fulgurance de l’offensive vient « rappeler à quel point le régime est faible » estime-t-il, ajoutant que les forces pro-gouvernementales avaient probablement baissé leur garde à la faveur du calme précaire qui régnait dans le nord.
• Quels enjeux diplomatiques ?
Aujourd’hui, la perte des quartiers d’Alep est d’autant plus symbolique qu’en 2016, la reconquête par le régime de tous les secteurs rebelles de la métropole constituait une victoire essentielle pour Bachar al-Assad et ses alliés. Cette bataille d’Alep représentait alors un tournant dans la guerre syrienne. Elle avait été marquée par une forte intervention de l’aviation russe, engagée dès 2015 en Syrie pour remettre en selle le régime affaibli.
Et après plus d’une décennie d’une guerre ayant morcelé la Syrie, les belligérants sont toujours soutenus par différentes puissances régionales et internationales aux intérêts divergents.
L’offensive intervient d’ailleurs à un moment diplomatique délicat : depuis des années un potentiel rapprochement entre Damas et Ankara piétine. Moscou et l’Iran plaident pour une détente, mais Damas réclame un retrait des troupes turques déployées dans le nord syrien le long de la frontière.
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