Dans le silence et le recueillement, des dizaines de milliers de personnes au moins – selon des estimations de l’Agence France-Presse – ont lancé une grande journée de manifestation, samedi 1er novembre, en hommage aux victimes de l’accident mortel de la gare de Novi Sad survenu il y a un an jour pour jour.
Arrivés pour certains dès vendredi soir, les manifestants ont commencé à observer 16 minutes de silence à partir de 11 h 52. C’est à cette heure précise que, le 1er novembre 2024, l’auvent en béton de la gare tout juste rénovée s’est effondré, tuant 14 personnes sur le coup, dont deux enfants. Deux blessés mourront plus tard, portant le bilan à 16 morts. Dès le début de la matinée, des milliers de personnes étaient venues déposer des fleurs ou des bougies devant la gare, dont le béton arraché rappelle encore l’accident.
L’effondrement de l’auvent a lancé l’un des plus vastes mouvements de contestation qu’ait connus le pays, dont des étudiants ont rapidement pris la tête. Il est devenu, pour les opposants au président de droite nationaliste, Aleksandar Vucic, l’emblème de la corruption qui gangrène les immenses chantiers de travaux publics lancés à travers le pays.
Des longues marches pour manifester
Depuis plusieurs mois, des étudiants ont adopté comme moyen d’action ces longues marches, espérant ainsi toucher le maximum de villes et villages pour expliquer leurs revendications et lutter contre le portrait que dressent d’eux les médias proches du pouvoir en les décrivant régulièrement comme des « terroristes » payés par des puissances étrangères.
Majoritairement pacifiques, les manifestations organisées depuis un an ont été émaillées cet été de violences entre partisans du président et manifestants, dont plusieurs centaines ont été arrêtés. La répression s’est durcie envers le mouvement, poussant fin octobre le Parlement européen à adopter une résolution qui « soutient le droit des étudiants et citoyens serbes à manifester pacifiquement » et « condamne fermement la répression d’Etat ».
Samedi matin, la commissaire européenne à l’élargissement, Marta Kos, a affirmé sur le réseau social X que la tragédie de Novi Sad était « en train de changer la Serbie ». « Elle a poussé les masses à se mobiliser pour la responsabilité, la liberté d’expression et une démocratie inclusive. Ce sont ces mêmes valeurs qui guideront la Serbie vers l’Union européenne » à laquelle Belgrade est candidate, a écrit la commissaire européenne.
Des excuses du président Aleksandar Vucic
Alors que les manifestants se recueillaient à Novi Sad, à Belgrade, à une centaine de kilomètres plus au sud, le président et plusieurs ministres assistaient à une cérémonie dans la basilique Sainte Sava, à laquelle participaient aussi plusieurs milliers de ses partisans venus allumer des bougies et rendre hommage aux victimes.
Dans une adresse à la nation vendredi, après avoir pendant des mois accusé les étudiants de vouloir le renverser, le président a dit avoir « tenu des propos [qu’il] regrette ». « Je m’en excuse », a ajouté Aleksandar Vucic, appelant au dialogue, sans pour autant mentionner les élections anticipées que demandent les manifestants depuis des mois.
Au total, trois enquêtes sont ouvertes : une sur l’accident, une autre menée par le parquet spécialisé dans la lutte contre le crime organisé et la corruption, sur les soupçons de corruption à hauteur de millions d’euros dans la rénovation, et une menée par le bureau du procureur public européen portant sur un éventuel détournement de fonds européens lors de la reconstruction. Dans la première, le parquet a demandé mi-septembre un procès pour 13 personnes, dont deux anciens ministres, mais ce n’est pas assez pour les manifestants.











