mardi, septembre 24

En levant la tête, le regard découvre le roc du Vent, imposante masse grise se découpant sur le ciel nuageux. A nos pieds, le lac de barrage de Roselend, d’un bleu profond. Tout autour de nous, l’herbe encore verte, en cette fin d’été, est pâturée par un troupeau de vaches tarines à la robe couleur noisette et aux yeux maquillés de noir. Nous sommes à l’alpage Les Moillettes de la famille Frison, au cœur du Beaufortain, en Savoie.

Ce paysage à couper le souffle a joué le rôle d’aimant pour Caroline Frison. « Après des études agricoles, je suis partie au Québec. Mais les montagnes et les vaches me manquaient trop. Je suis rentrée », raconte-t-elle. La jeune femme de 33 ans s’est donc finalement installée, en 2017, avec ses parents, perpétuant ainsi une tradition familiale. Elle représente la cinquième génération sur cette exploitation de production de lait à beaufort. Du temps de sa grand-mère, le fromage à pâte cuite était encore fabriqué sur place, au chalet d’alpage, dans un chaudron chauffé au bois. Une douzaine de personnes se partageaient les tâches. A l’été 2024, Caroline Frison s’occupe du troupeau de 160 bêtes, dont 85 vaches laitières, avec son père, en comptant sur l’aide d’un apprenti et d’un salarié pour la fenaison.

La construction des barrages comme celui de Roselend a bien failli faire couler la filière beaufort. L’attirance pour des métiers plus valorisés proposés par EDF ou d’autres entreprises, l’attrait de la ville, la dureté de l’agriculture de montagne, ont quelque peu fait le vide. C’est le moment, au tournant des années 1960, où les coopératives se sont créées pour reprendre en main la fabrication et la commercialisation du beaufort. Regroupées au sein de l’Union des producteurs de beaufort, elles ont défendu le cahier des charges de ce fromage sous appellation d’origine protégée (AOP), obtenue en 1968.

Cuves en cuivre et toile de lin

Aujourd’hui, dans les caves de la Coopérative laitière du Beaufortain, à Beaufort-sur-Doron, les meules de fromage sont salées et retournées régulièrement par des robots. Et ce pendant toute la durée d’affinage, de cinq mois minimum avec un temps optimal estimé entre huit et douze mois. « Quand je suis arrivé, il y a quinze ans, les meules de plus de 40 kilos étaient salées à la main. Mais avec les problèmes de dos du personnel, on a décidé de robotiser en 2017 », explique Pierre Laurent, directeur de la structure. Une manière de pallier le manque de candidats prêts à effectuer ce dur labeur.

Les trente-sept salariés de la coopérative se relaient maintenant par équipes pour la fabrication du précieux fromage. L’été, période privilégiée de production, quand les vaches sont en alpage et goûtent une herbe fraîche et riche, la collecte de lait s’effectue deux fois par jour et l’usine tourne de 4 h 30 à 23 heures. L’hiver, l’amplitude est réduite de moitié avec une seule collecte matinale en vallée. Mais les 14 millions de litres de lait réceptionnés chaque année ne partent plus des exploitations dans des bidons, les boyes. En 2017, la coopérative a en effet également décidé de s’équiper d’une flotte de camions-citernes pour effectuer le ramassage.

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