samedi, mai 18

Tout le monde ou presque est vent debout contre une expérience qui va durer deux ans, autant dire une éternité : autoriser la publicité pour les livres à la télévision. La plupart des maisons comme Gallimard sont contre. Le Syndicat national de l’édition est contre. Les libraires sont contre. Les télévisions sont pour. Rachida Dati aussi. La ministre de la culture navigue avec joie contre les vents dominants. Chaque acteur joue sa carte au bal des hypocrites.

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Tous ont leur avis sur le décret paru au Journal officiel le 6 avril, donnant le feu vert à la réclame littéraire sur le petit écran. On entend surtout que la publicité pour les produits culturels (livres, films, disques) bénéficie à ceux qui, déjà, se vendent le mieux. On entend moins que les best-sellers contribuent à faire vivre la filière comme les blockbusters aident le cinéma français grâce à la taxe prélevée sur chaque entrée vendue en salle.

Les avis sont tranchés alors qu’il n’existe aucune étude chiffrée sur le marché de la publicité littéraire et ses effets selon les supports : radio, affichage, plates-formes numériques, réseaux sociaux, presse écrite, salles de cinéma… Cette liste pose déjà une question : pourquoi tout le monde a le droit de faire de la publicité pour les livres sauf la télévision ? Pourquoi, pendant la crise due au Covid-19, on a vu fleurir des affiches dans la rue pour promouvoir les livres de Leïla Slimani, Hervé Le Tellier ou Chloé Delaume, et, aujourd’hui, on ne pourrait faire de la publicité à la télé pour un best-seller de Marc Levy ou le dernier Salman Rushdie ?

Tarifs publicitaires discriminants

La réponse est nichée dans les conséquences de la publicité à la télévision. On tient un cas d’école avec le cinéma : les spots pour des films sur le petit écran sont possibles depuis 2020. Mais le résultat de cette expérience divise. Selon Rachida Dati, le succès est tel – fréquentation en hausse, y compris pour des « petits » films français – que l’autorisation est désormais pérennisée. Mais une grande partie du cinéma d’auteur cerne au contraire un naufrage : films relégués dans l’ombre, perte de public, concentration du marché, risque de standardisation des esthétiques.

Chacun fait parler les chiffres à sa façon. Rachida Dati, elle, avance désormais ses pions pour le livre : une personne séduite par une publicité pour un best-seller l’achètera en librairie et « repartira avec trois autres livres sous le bras », déclarait la ministre dans un entretien aux Echos, le 12 avril. Le décret va favoriser la lecture. C’est une vaste blague, contredite par des dizaines d’études. Auxquelles s’ajoute celle, publiée début avril, du Centre national du livre confiée à Ipsos, montrant un décrochage très inquiétant de la lecture chez les jeunes.

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