jeudi, octobre 10

Le rapport sur la compétitivité et l’avenir de l’Europe remis par Mario Draghi à la Commission européenne, le 9 septembre, a eu le grand mérite de remettre en cause le dogme de l’austérité budgétaire et de souligner l’importance de la recherche, de l’innovation et de la formation pour juguler le décrochage économique, scientifique et technique de l’Europe. Pour autant, si ce rapport propose avec raison d’investir dans la formation, la santé, l’isolation thermique des bâtiments, les énergies décarbonées ou les grandes infrastructures de transport, il demeure attaché à une conception de la recherche et de l’université frappée d’obsolescence, fondée sur la croyance économiciste en un marché total des chercheurs et des établissements.

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Dans notre contexte de longue dépression économique, couplée aux crises climatique, démocratique, sanitaire et sociale, il importe de tirer le bilan des politiques publiques suivies en France depuis vingt ans en matière de formation et de recherche fondamentale et appliquée. Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une niche fiscale qui permet aux entreprises de déduire de leur impôt sur les sociétés 30 % de dépenses qu’elles font apparaître dans leur bilan comme procédant de la « recherche et développement » (R&D). En l’absence de contrôles sérieux, de multiples officines se sont spécialisées dans le maquillage de dépenses génériques en R&D et de cadres commerciaux en chercheurs-ingénieurs.

Si le CIR a un effet très positif pour les microentreprises et les PME qui emploient des chercheurs-ingénieurs pour concevoir et produire de la haute technologie, il a toutefois un effet largement négatif sur la R&D des moyennes et grandes entreprises. Les rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques, de la Cour des comptes ou de France Stratégie ont montré que le CIR est avant tout un contournement des règlements européens sur les aides directes aux entreprises et n’a aucun effet ni sur l’emploi ni sur l’investissement en R&D.

Débâcle accélérée

Les effets indirects sont en réalité bien pires, puisqu’en privant de financement la recherche publique et l’université, le CIR détériore l’écosystème français de recherche et de formation. Si les entreprises continuent de délocaliser leur R&D en Asie du Sud-Est et, dans une moindre mesure, aux Etats-Unis, c’est pour la qualité de leur écosystème et la dégradation du nôtre. Le décrochage du niveau scientifique et technique en France est alarmant, et le manque de culture scientifique de la classe politique en est le reflet. Les désastreuses réformes du lycée et l’absence de politique ambitieuse de recrutement et de formation des enseignants ont encore accéléré la débâcle.

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