dimanche, mai 12
Un jeans et un débardeur de la marque Gauchere.

Enfants riches déprimés, Hum, Liberal Youth Ministry, Funguys, 99 % IS-, Croak Monsieur, Rototo… Derrière ces noms déroutants, on peine à imaginer que se cachent des entreprises de mode. Et pourtant, tous désignent des marques de prêt-à-porter ou de bijoux. Face au nombre exponentiel de labels, de collections, de défilés, trouver une bonne idée pour se distinguer est devenu la croix et la bannière.

Si baptiser sa marque du nom de son créateur fut un temps la norme dans le milieu, l’humeur est davantage aux jeux de mots ou aux effets de surprise. « La meilleure publicité possible pour une griffe, c’est l’intérêt qu’elle suscite et les conversations qu’elle déclenche. Elle doit susciter la curiosité, être le point de départ de discussions », explique Olivier Auroy, qui a su lui-même trouver le mot juste pour définir son métier. A la tête d’une agence de naming, ce dernier se présente comme « onomaturge », celui qui fabrique des mots ou nomme des choses.

Pionnière dans le genre, la créatrice japonaise Rei Kawakubo a, en 1971, baptisé sa marque Comme des garçons. Cette expression a inspiré Dany Dos Santos et Maxime Schwab, deux créateurs autodidactes originaires de Dijon, lorsqu’ils ont cherché un nom pour leur marque de streetwear chic. « Drôle de monsieur nous est apparu assez naturellement. Nous cherchions quelque chose dans la mouvance de Comme des garçons ou d’Acne Studios, car nous ne voulions pas utiliser nos propres noms. Nous débutions dans le milieu et nous ne nous sentions pas vraiment légitimes, il y a dix ans, en tant que designers. Il nous était donc difficile d’afficher nos patronymes, souligne Dany Dos Santos. Dans la même idée, notre slogan “Not from Paris Madame” suscite de l’intérêt auprès de nos clients. »

« Il peut y avoir une forme d’humilité chez certains designers qui refusent d’utiliser leur nom, mais aussi un besoin de se protéger, car aujourd’hui on est très exposé sur les réseaux sociaux », indique Olivier Auroy. D’autres ont aussi retenu la leçon et ne sont pas prêts à voir leur nom de baptême, devenu une marque, leur échapper (ce qui peut se produire, notamment en cas de revente). Le styliste Hervé Léger ou l’ancienne créatrice de chaussures Karine Arabian, pour ne citer qu’eux, en ont fait l’amère expérience.

Un petit quelque chose qui dérange

Une nouvelle génération préfère donc jouer la carte de la dérision ou du second degré, bannissant souvent au passage toute idée de glamour, à l’image de l’entreprise japonaise de chaussettes Rototo ou du label américain de prêt-à-porter Troglodyte Homunculus. « Pour qu’un nom de marque soit efficace, il doit être facilement mémorisable, mais il n’y a pas de recette miracle… Si on sourit en entendant le mot, en général, on le retient », avance l’onomaturge, qui a attribué récemment à une marque de vêtements durables pour enfants le nom de Perpète.

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