jeudi, juin 27

Tout a commencé par un étrange coup de téléphone. Il était 4 heures du matin, le 8 mai, quand Gia Japaridze, professeur à l’université de Géorgie, à Tbilissi, a reçu un appel provenant du Tchad. « On va te tuer, connard ! Tu es contre cette loi ? Alors tu es contre les valeurs géorgiennes ! » Le professeur a bloqué le numéro. Une heure et demie plus tard, nouvel appel d’un autre numéro étranger. Et de nouveau des injures et des menaces de mort. Le lendemain soir, en rentrant chez lui, trois hommes ont fondu sur lui avec une batte de base-ball. « Ils me frappaient de tous les côtés, raconte Gia Japaridze, 50 ans, ancien ambassadeur et frère du chef d’un petit parti d’opposition. J’ai cru que j’allais mourir. »

Le même jour, trois autres personnalités ont été tabassées. Toutes s’étaient opposées publiquement à ce projet de loi, adopté par le Parlement le 14 mai, calqué sur une loi russe et visant à réduire au silence la société civile et les médias indépendants dans cette ex-république soviétique du Caucase. Leurs visages ensanglantés et tuméfiés ont fait le tour des réseaux sociaux. D’autres, dont David Katsarava, chef de l’Union fait la force, un mouvement hostile à l’occupation russe en Ossétie du Sud et en Abkhazie, ont été attaqués les jours suivants.

Le dos de Gia Japaridze porte encore les stigmates de l’attaque. Plusieurs hommes l’ont passé à tabac devant chez lui. Tbilissi, le 18 mai 2024.

Lorsque Le Monde le rencontre, dix jours après son agression, M. Japaridze a encore un œil au beurre noir et le corps couvert de larges hématomes. Le professeur reçoit toujours trois à cinq appels menaçants par jour. Ses proches également. « Ils ont même appelé ma mère de 80 ans, malade, en pleine nuit, pour lui dire que son fils essayait de détruire le pays ! Ce qu’on vit aujourd’hui est encore pire que sous l’URSS, affirme-t-il, sidéré. Des gens tabassés par des petits groupes criminels, des appels massifs pour menacer les opposants et leurs proches, même leurs enfants de 11 ou 12 ans, c’est sans précédent. » Depuis son agression, il ne se déplace plus sans gardes du corps. « Je ne suis pas le seul à avoir dû en embaucher, beaucoup d’autres l’ont fait : des leaders de l’opposition, des membres d’ONG… C’est devenu très difficile d’en trouver. »

« On est en train de devenir comme la Russie »

Aux menaces et agressions s’ajoutent les interpellations lors des rassemblements. Entre le 15 avril et le 15 mai, 189 personnes ont été interpellées pour « hooliganisme » et 173 pour « désobéissance », selon l’Association des jeunes juristes. Dans une déclaration commune, une quinzaine d’ONG ont dénoncé l’usage « disproportionné de la force », les « arrestations massives, les traitements inhumains et la persécution » des manifestants, pourtant « pacifiques ».

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