dimanche, mai 19
Des milliers de manifestants rassemblés devant le bâtiment du Parlement à Tbilissi, en Géorgie, le mercredi 17 avril 2024, pour protester contre à ce qu’ils dénoncent comme une « loi russe ».

Environ 20 000 personnes ont manifesté contre le vote en première lecture du projet de loi sur l’« influence étrangère » devant le Parlement géorgien, à Tbilissi, mercredi 17 avril au soir. Dans la soirée, les manifestants bloquaient l’artère principale de la capitale face à des centaines de policiers antiémeute, avant de marcher vers les bureaux du premier ministre pour exiger qu’il vienne à leur rencontre, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse. Des rassemblements ont aussi eu lieu dans plusieurs autres villes du pays, dont dans la deuxième, Batoumi, selon l’agence de presse Interpress.

A l’origine de rassemblements massifs depuis le début de la semaine, le projet de loi a franchi dans la nuit de mardi à mercredi une étape législative majeure en recevant en première lecture l’aval des députés du parti du Rêve géorgien, au pouvoir, au cours d’un vote boycotté par l’opposition. Le texte, comparé à une loi russe répressive sur les « agents de l’étranger », est vu comme un obstacle aux ambitions européennes de ce pays du Caucase.

Deux autres lectures devraient suivre, un processus qui pourrait prendre des semaines, d’autant que la présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, proeuropéenne et en conflit avec le gouvernement, pourrait ensuite mettre son veto. Les députés proches du pouvoir disposent cependant d’une majorité suffisante pour le surmonter.

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« Un pas vers la Russie »

Selon ses détracteurs, cette législation est liberticide et pourrait menacer le rapprochement de la Géorgie, une ex-république soviétique, avec l’Union européenne. Le texte est comparé à la législation russe sur les « agents de l’étranger » utilisée par le Kremlin depuis 2014 pour persécuter les voix dissidentes, les ONG et les médias indépendants.

« C’est une triste journée pour la Géorgie car notre gouvernement a fait un pas de plus vers la Russie et loin de l’Europe », a estimé une manifestante, Makvala Naskidachvili. « Mais je suis aussi heureuse de voir une telle unité au sein de la jeunesse », a ajouté cette femme de 88 ans. Ces jeunes « sont de fiers Européens et ne laisseront personne gâcher leur rêve européen. »

Lundi et mardi, d’autres protestations ont été organisées. La police antiémeute a pourchassé certains manifestants dans les rues autour du Parlement, les brutalisant ou en arrêtant certains. Des médias géorgiens ont assuré que leurs journalistes avaient aussi été malmenés par les forces de l’ordre.

Si le projet de loi est voté, les organisations qui reçoivent plus de 20 % de leur financement de l’étranger seront obligées de s’enregistrer en tant qu’« organisations poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère », sous peine d’amendes.

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L’Union européenne (UE) , qui a accordé en décembre à la Géorgie le statut de candidat, a demandé l’abandon du texte, estimant qu’il va à l’encontre du programme de réformes que ce pays doit entreprendre pour progresser sur la voie de l’adhésion.

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Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, et le commissaire européen chargé de l’élargissement, Oliver Varhelyi, ont jugé que le vote de mercredi était « très inquiétant ». « Une adoption finale de cette législation aurait des conséquences négatives » concernant les ambitions européennes de la Géorgie, ont-ils déclaré, considérant qu’une telle loi n’était « pas alignée » sur les valeurs de l’UE. Washington a exprimé des inquiétudes similaires.

Le gouvernement plaide la « transparence »

Le gouvernement géorgien assure que le texte vise uniquement à plus de « transparence » dans le financement des organisations. Le premier ministre, Irakli Kobakhidze, à l’origine du projet de loi, a accusé certains groupes de la société civile de tenter d’impliquer la Géorgie dans la guerre en Ukraine et de vouloir déclencher une révolution. « En avant, avec dignité, vers l’Europe ! », a-t-il dit, tout en assurant que les dirigeants occidentaux critiquent ce texte sans avancer d’arguments.

Malgré des déclarations hostiles aux Occidentaux, Irakli Kobakhidze avait dit que l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne serait sa priorité. Des élections législatives, vues comme un test, sont prévues dans le pays en octobre.

Pour sa part, la présidente Zourabichvili a estimé que la mesure allait contre « la volonté de la population ». « Il s’agit d’une provocation directe, d’une stratégie russe de déstabilisation », a-t-elle affirmé.

Lundi, des députés du pouvoir et de l’opposition en sont venus aux mains au cours d’un échange sur le texte, provoquant une bagarre dans l’hémicycle. Une première mouture de ce projet de loi avait été abandonnée en mars 2023 après des manifestations massives qui avaient été dispersées par la police.

Le Monde avec AFP

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