dimanche, octobre 6

La tentation du pire n’est pas une fatalité. Elle a reculé, dimanche 7 juillet, dans des proportions inespérées, alors que l’espoir de forte majorité relative, voire absolue, du Rassemblement national (RN) se réduisait à un total de 143 députés, alliés venus des Républicains inclus. Après la victoire aux européennes et le score élevé au premier tour des législatives, cette inversion de tendance, d’une brutalité inédite entre les deux dimanches d’une élection de la Ve République, n’est pas seulement due au bon fonctionnement du front républicain, des désistements entre candidats aux reports de voix d’électeurs fortement mobilisés.

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Elle est aussi le produit de la seule « clarification » issue de l’inconséquente dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron. Oui, le RN demeure bien un parti d’extrême droite, à l’idéologie imprégnée de xénophobie. Le camouflage déployé au cours des années de « banalisation » a craqué de toutes parts pendant cette campagne, dévoilant une foule de candidats antisémites, racistes ou homophobes, nullement préparés au rôle qu’ils briguaient. Révélant aussi un programme qui demeure centré sur la discrimination, la stigmatisation et le rejet de catégories entières de la population.

Ces dernières années, des nouveaux électeurs, plus âgés, ou membres de cercles dirigeants, se sont laissé égarer par ces faux-semblants. Ils ont fini par croire que l’on pouvait se fier à la bonne mine de Jordan Bardella, le jeune homme de paille du clan Le Pen. Dimanche, une nette majorité de Français a refusé cette politique du pire, en opposant ses suffrages aux plus de 9 millions de concitoyens qui ont voté en faveur du RN. Mais ce nombre, à lui seul, empêche d’éprouver davantage qu’un bref soulagement.

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Le parti d’extrême droite conserve une attraction forte sur de larges parties du territoire. Il a gagné plusieurs dizaines de sièges, qui arrondiront ses finances, et lui vaudront sans doute le plus grand groupe de la nouvelle Assemblée nationale. Il en profitera pour resserrer son maillage de terrain, l’un des axes les plus efficaces de sa politique de notabilisation. Et surtout il restera dans le confort de l’opposition, dans un Hémicycle où la recherche d’une majorité relative risque de s’avérer douloureuse.

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De fait, par sa dissolution, cette politique du pire dont les périls ont été limités par le sens des responsabilités des électeurs, le chef de l’Etat n’aura réussi qu’à amputer sa propre majorité de près de 100 sièges. La coalition présidentielle, fracturée par la vigueur des déclarations de certains de ses dirigeants, à commencer par Edouard Philippe, est devancée par le Nouveau Front populaire. Avec ses 182 députés, l’union des partis de gauche demeure très éloignée de la majorité absolue, mais elle est la mieux placée pour chercher les moyens de succéder à Gabriel Attal à Matignon.

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En son sein, dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon a fait ce qu’il sait faire : parler fort, et le premier. Sa posture semblait d’autant plus intransigeante, sur l’application intégrale d’un programme conclu en trois jours, que son parti, La France insoumise (LFI), ne se trouve plus dans la même position de force qu’au temps de la Nupes. C’est le Parti socialiste qui a de loin le plus progressé, avec 59 sièges. Avec les écologistes, les communistes et ceux qui ont été purgés ou ont fui LFI, presque tous réélus dimanche, ils peuvent peser pour partager une autre manière de convaincre et d’agir. A l’opposé de cette autre politique du pire, pratiquée par les « insoumis », qui a brutalisé continûment les débats et les élaborations collectives durant deux années.

Avec cette nouvelle Assemblée, et cette majorité à construire, ce sont les conditions d’une autre politique qui pourraient se mettre en place, plus apaisée mais non moins résolue. En ne laissant pas à l’extrême droite le monopole de l’écoute et de la proximité avec les populations qui se sentent abandonnées. En cherchant à déconnecter la question obsessionnelle de l’immigration de chacun des sujets qui nourrissent le vote RN : l’accès aux soins, à l’éducation et aux services publics, la recherche d’équité dans la transition climatique, la réduction des inégalités, le démantèlement des ghettos urbains, la lutte contre le fléau des trafics de drogue, facteur réel d’insécurité.

Face au conservatisme nostalgique d’une France qui pense qu’elle pourrait revenir en arrière, il s’agirait ainsi de rendre son lustre à un mot qu’Emmanuel Macron s’était approprié au cours de sa première campagne présidentielle victorieuse, et qu’il n’a jamais mis en pratique : le progressisme.

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Le Monde

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