« Le tribunal estime ainsi, dans les circonstances de l’espèce, que le maire de Lecci ne pouvait prendre une telle interdiction et que celle-ci porte une atteinte grave et illégale à trois libertés fondamentales : la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. » Dans un communiqué paru lundi 19 août, la juge des référés du tribunal administratif de Bastia a annoncé suspendre l’interdiction « des tenues manifestant une appartenance religieuse » sur la plage de Lecci, en Corse-du-Sud.
Les tenues en question sont des burkinis, ces maillots de bain couvrant le corps et les cheveux qui sont portés par certaines femmes musulmanes. Après avoir été alerté de la présence de femmes vêtues de burkinis sur la plage, le maire de la petite commune du littoral corse Lecci avait pris un arrêté le 7 août. Celui-ci interdisait formellement « l’accès aux plages et à la baignade (…) jusqu’au 30 septembre 2024 à toute personne n’ayant pas une tenue correcte respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité ».
Or ce vêtement est légal et autorisé en France. Deux jours plus tard, la préfecture de Corse avait demandé l’annulation de cet arrêté municipal et de celui de Zonza, une autre commune du sud de la Corse qui avait pris un arrêté similaire au lendemain de la publication de celui de Lecci, avant de le retirer. « Aucun événement récent ne les justifie, avait alors considéré la préfecture. Ces arrêtés n’étant pas fondés sur la présence de troubles à l’ordre public et étant contraires à la jurisprudence du Conseil d’Etat de 2016, nous avons demandé leur retrait ou une réécriture des arrêtés. »
Pas de troubles à l’ordre public
Dans sa décision du lundi 19 août, le tribunal administratif de Bastia rappelle, lui aussi, l’absence de troubles à l’ordre public, malgré des tentatives de justification du maire de Lecci. « Pour justifier l’interdiction prononcée, la commune rappelle uniquement le contexte de menace terroriste, le climat de tensions internationales, notamment au Moyen-Orient et au Proche-Orient, ainsi que la circonstance relative au maintien de l’état d’urgence, au demeurant inexacte », résume le communiqué.
Concernant l’éventuelle menace que ferait peser le port d’un burkini sur « le respect des règles d’hygiène et de sécurité, elle [la commune] n’apporte aucun élément permettant de démontrer que le port de tenues de la nature de celles que l’arrêté litigieux entend prohiber serait constitutif d’un risque pour l’hygiène ou la sécurité des usagers des plages et des baigneurs », conclut le tribunal, qui rappelle avoir été saisi à ce sujet par la Ligue des droits de l’homme.