Couchée dans son lit, Oriane s’est réveillée en sursaut : quelqu’un venait de frapper à sa porte, plusieurs coups vigoureux en pleine nuit, à Goudelin, paisible village des Côtes-d’Armor. C’était déjà arrivé deux ou trois fois, des pannes d’essence ou des accidents, du temps où la famille habitait encore à la ferme. Mais ça fait longtemps que l’exploitation a été vendue, que les enfants se sont envolés, que le mari est mort. Désormais, la vieille dame (qui, comme d’autres, n’a pas souhaité donner sa véritable identité) est installée seule dans ce lotissement, une maison neuve, de plain-pied. Dans sa chambre, le silence est retombé, le sommeil l’a engourdie de nouveau, juste le temps de penser : « Ces coups à la porte, ça devait être un rêve. » Mais, peu avant le lever du jour, quelqu’un a encore toqué. Cette fois, c’est la peur qui l’a réveillée.
A Goudelin, 1 710 habitants, cela fait plus de deux ans qu’un mystérieux inconnu cogne aux portes et aux volets, puis s’évanouit dans la nuit. Le « frappeur » n’agit pas au hasard. Il a ses obsessions : les femmes seules, âgées, souvent veuves, vivant dans le lotissement de Kernilien ou ses abords, un petit périmètre près du centre-bourg, six ou sept rues, pas davantage. Tout paraît si étrange, dans cette affaire, que certains ont longtemps soutenu qu’il s’agissait d’une pure légende. La raconter, c’est s’aventurer dans l’intimité d’un village.
Tout a commencé chez Jacqueline, 83 ans, première victime déclarée du frappeur. A la mort de son époux, en février 2024, elle alerte la mairie, puis la gendarmerie. A Goudelin, la veuve n’est pas n’importe qui : une forte personnalité, la mise toujours impeccable, ancienne vice-présidente de la communauté de communes et élue pendant vingt-cinq ans à la municipalité. Mais, cette fois, l’accueil des autorités lui semble différent. Ses histoires de visiteur nocturne ne sont pas prises au sérieux, elle le sent. « Les toc-toc, ce ne serait pas plutôt dans sa tête ? », chuchotent certains derrière son dos. Beaucoup soupirent qu’elle ne serait plus la même depuis la perte de son époux.
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