dimanche, décembre 1

A 250 mètres sous terre, la poussière est épaisse et l’oxygène rare. La mine Mramor, en Bosnie, alimente en charbon la centrale de Tuzla, censée tourner jusqu’en 2050, quand ce pays pauvre chauffé au charbon devra avoir décarboné toute son énergie.

Mramor est la plus grande mine souterraine du pays. L’exploitation s’y fait de façon manuelle et par dynamitage, explique à l’AFP Senad Sejdic, mineur de 52 ans et représentant syndical. Il espère l’installation prochaine d’une haveuse pour faciliter l’abattage du lignite de « qualité exceptionnelle » qui s’y trouve.

« Ca nous permettrait d’augmenter l’exploitation annuelle de 140.000 à près de 400.000 tonnes et de travailler dans de meilleures conditions de sécurité », ajoute cet homme dont le père a été tué dans cette mine en 1990 lors d’un coup de grisou qui a fait 180 morts, l’un des pires accidents miniers au monde.

Le charbon est le plus gros pollueur en Bosnie, qu’il soit brûlé dans les centrales – 94% de la production annuelle d’environ 13 millions de tonnes – ou dans les foyers.

« Environ 3.300 personnes meurent chaque années prématurément en Bosnie en raison de l’exposition à la pollution de l’air », soit près de 10% des décès, selon un rapport de la Banque mondiale de 2019.

Sarajevo, où des milliers de maisons sont chauffées au charbon, est l’une des villes les plus polluées du monde.

– Exportateur –

Grâce à son sous-sol riche en charbon, dont les réserves exploitables sont estimées à 2,6 milliards de tonnes, la Bosnie est le seul exportateur net d’électricité dans les Balkans occidentaux. Près de 30% de sa production annuelle d’environ 15.000 GWh est exportée, surtout vers les pays de la région. En 2023, ces exportations ont rapportées 430 millions d’euros.

Mais, comme les autres pays de la région, la Bosnie s’est engagée à entièrement décarboner son secteur de l’énergie d’ici 2050.

Dans le bouquet énergétique, la participation des centrales thermiques varie entre 55% et 70%, selon les années. Le reste vient essentiellement des centrales hydroélectriques et, dernièrement, environ 4% proviennent d’installations éoliennes et photovoltaïques.

« Pour remplacer les installations de 2.300 MW dans les centrales thermiques, il faudrait 5.000 MW dans les éoliennes ou plus de 10.000 MW dans le solaire », soit des milliards d’euros, explique Edhem Bicakcic, expert en énergie et investisseur dans le renouvelable.

« Nous espérons vivement avoir accès à des fonds européens pour mener à bien cette transition », dit-il.

Le plan d' »Elektroprivreda BiH », un des trois fournisseurs publics d’électricité, est de supprimer en 2027 deux des six blocs de production dans deux centrales qu’elle gère, à Tuzla et à Kakanj (centre), outre un bloc déjà arrêté fin 2023, explique le directeur exécutif chargé de la production, Fahrudin Tanovic.

Pour continuer à utiliser les quatre autres blocs à partir de 2028, l’entreprise entend investir plus de 170 millions d’euros pour installer des systèmes de désulfuration et de dénitrification.

– « Manque de courage » –

« Mais nous devons à court terme, d’ici à 2027, accélérer la production de charbon pour assurer des quantités suffisantes d’électricité avant de se doter de sites plus importants d’énergie renouvelable », dit M. Tanovic.

« Nous avons prévu d’investir d’ici à 2028 environ un milliard de marks (511 millions d’euros) dans le renouvelable », pour construire des capacités d’environ 450 MW, précise Harun Gadzo, un autre directeur de la compagnie, chargé, lui, des investissements.

Pour Denis Zisko de l’association environnementale « Aarhus centar », la Bosnie « manque de courage politique » pour dire que « les mines n’ont pas de perspective ».

« La transition énergétique n’est pas un problème, c’est une chance pour le développement », dit-il, en accusant le gouvernement de « vouloir garder le monopole de la production de l’électricité ».

Il estime que l’introduction d’une taxe carbone de l’Union européenne qui va frapper les pays de la région à partir de 2026 sera fatale pour le secteur du charbon qui, selon lui, ne survivra pas au-delà de 2035.

Une mort assurée qui a un coût social : la fermeture en mars du dernier gisement du complexe minier de Zenica (centre), 144 ans après son ouverture, a laissé des centaines de mineurs sans un sou.

La mine employait 600 personnes, à qui elle doit 140 millions de marks (71,5 millions d’euros) pour des cotisations retraite et les impôts non-payés depuis des années. Un prêt a été négocié avec la Banque mondiale pour rembourser cette dette, mais la situation est la même dans plusieurs autres mines. Au total, la dette du secteur dépasserait 500 millions d’euros.

« Je travaille dans la mine depuis vingt ans, mais mes cotisations ont été payées pour quatre années seulement », explique un mineur de 47 ans qui ne veut pas donner son nom. A ses pieds, le sol est jonché de ferraille rouillée et de wagonnets jaunes qui ne servent à plus rien.

rus/cbo/de

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