samedi, mai 18
Manifestation contre la politique budgétaire du gouvernement pour les universités publiques, à Buenos Aires, le 23 avril 2024.

C’est probablement la mobilisation la plus importante en Argentine depuis le début de la présidence de Javier Milei. Des centaines de milliers de personnes, étudiants au premier rang, ont manifesté, mardi 23 avril, dans tout le pays pour défendre « l’université publique gratuite » et dénoncer la politique d’austérité du gouvernement ultralibéral du président entré en fonction en décembre 2023.

Dans la capitale, Buenos Aires, la mobilisation a rassemblé « entre 100 000 et 150 000 » personnes, selon une source policière, et un demi-million, selon l’Université de Buenos Aires (UBA). Un syndicat enseignant a fait état d’un million de manifestants pour toute l’Argentine. Les rassemblements en province ont mobilisé la soixantaine d’universités publiques du pays, auxquelles s’étaient joints des instituts privés. A Cordoba (centre), siège de la plus ancienne université du pays, fondée au début du XVIIe siècle, le cortège a rassemblé des dizaines de milliers de personnes.

Etudiants, parents, enseignants, agents d’université, mais aussi des syndicats et des membres de partis d’opposition, ont paralysé tout l’après-midi le centre de Buenos Aires, aux abords du Parlement, jusqu’à la place de Mai, noire de monde en fin de journée, a constaté l’Agence France-Presse (AFP).

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Dans une ambiance festive, de nombreux étudiants brandissaient symboliquement un livre à bout de bras, dénonçant « une attaque brutale » contre l’université, comme le déplorait à l’AFP Pablo Vicenti, un étudiant en médecine de 22 ans : « Ils veulent lui couper les vivres en prétendant qu’il n’y a pas d’argent. Il y en a, oui, mais ils choisissent de ne pas le dépenser dans l’éducation publique ».

Menace de paralysie

Les universités publiques, qui accueillent plus de 2,2 millions d’étudiants, se disent « en urgence budgétaire » depuis que le gouvernement a décidé de maintenir, pour l’année universitaire 2024 (qui a débuté en mars) le budget 2023, malgré une inflation de 288 % sur douze mois. Et ce dans le cadre d’une austérité budgétaire tous azimuts, pour viser un « déficit zéro » en fin d’année, objectif du gouvernement Milei, et dompter l’inflation.

Pour plusieurs établissements, c’est une menace de paralysie, et certaines sections de la prestigieuse UBA ont récemment mis en place des économies d’urgence : parties communes non éclairées, usage restreint des ascenseurs, heures de bibliothèque réduites, etc. La faculté des sciences exactes de l’UBA, qui forma notamment le Nobel de médecine 1984 César Milstein, a ainsi mis en place un décompte en ligne jusqu’au jour où son budget 2024 sera épuisé. Mardi à l’heure de la manifestation, il lui restait 37 jours, 9 heures et 15 minutes.

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La grande centrale syndicale CGT s’est jointe à la protestation, ainsi que des organisations de gauche radicale, des politiciens d’opposition, prêtant le flanc aux accusations de « manifestation politique » de l’exécutif. M. Milei a rajouté de l’huile sur le feu, accusant certaines universités publiques d’être des lieux d’« endoctrinement » de gauche.

Le sous-secrétaire d’Etat aux universités, Alejandro Alvarez, a mis en garde les manifestants et leurs soutiens. « Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, mais tant que Javier Milei sera président, l’argent public qui va aux universités sera audité (…) nous instaurons une inspection et un contrôle qui n’existaient pas », a-t-il dit sur X.

« Notre plan fonctionne », selon Javier Milei

Le porte-parole présidentiel, Manuel Adorni, a souligné, lundi, que l’éducation publique argentine a été par le passé « un phare éducatif en Amérique » mais que « depuis des décennies l’université a de graves problèmes (…) et des taux d’achèvement d’études qui plongent ».

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« On ne peut pas remettre en question 200 ans d’histoire. Même avec un budget très faible, l’UBA figure parmi les trois meilleures universités d’Amérique latine », protestait le doyen de la faculté de médecine de l’UBA, Luis Brusco.

M. Adorni a aussi rappelé la conclusion d’un accord, il y a quelques jours, pour augmenter les frais de fonctionnement des universités en deux fois – soit + 70 % en mars puis + 70 % en mai. Loin du taux de l’inflation, mais désormais une « discussion réglée », selon lui. « N’espérez pas une issue du côté de la dépense publique », a pour sa part mis en garde, lundi soir, M. Milei, en claironnant un excédent budgétaire au premier trimestre, sans précédent depuis 2008, grâce à l’austérité. « Notre plan fonctionne », s’est-il vanté.

« Tous nos problèmes se résolvent avec davantage d’éducation et d’université publique (…) L’éducation nous sauve et nous rend libres. Nous appelons la société argentine à la défendre », a lu une étudiante à la foule, place de Mai en fin de rassemblement.

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Le Monde avec AFP

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