vendredi, mai 17
Björn Höcke (à droite), l’un des dirigeants du parti Alternative für Deutschland (AfD), au tribunal de Halle (Saxe-Anhalt), en Allemagne, le jeudi 18 avril 2024.

En 2019, le parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD) avait obtenu 11 % des voix aux élections européennes. Cinq ans plus tard, il est crédité d’environ 17 % des intentions de vote, selon les derniers sondages réalisés en vue du scrutin européen du 9 juin. Mais à un mois et demi de l’échéance, un événement vient troubler la campagne de l’AfD : le procès de l’un de ses dirigeants, Björn Höcke, s’est ouvert, jeudi 18 avril, au tribunal de Halle, dans le Land de Saxe-Anhalt.

Leader de l’aile radicale de l’AfD, M. Höcke comparaît pour avoir déclaré, lors d’un meeting dans la ville de Merseburg, en 2021 : « Tout pour notre patrie, tout pour la Saxe-Anhalt, tout pour l’Allemagne. » Le problème est que la formule « tout pour l’Allemagne » (« Alles für Deutschland ») était le mot d’ordre des SA (sections d’assaut), la milice paramilitaire du Parti national-socialiste d’Adolf Hitler. Or, selon le paragraphe 86 du Code pénal allemand, il est interdit d’utiliser en public des slogans ou des symboles du IIIReich.

En décembre 2023, Björn Höcke a récidivé, mais avec prudence. Alors qu’il se savait poursuivi par la justice pour la formule qu’il avait prononcée deux ans plus tôt, il s’est contenté de lancer, lors d’une réunion publique à Gera, en Thuringe, « Tout pour… », laissant son auditoire ajouter après lui, sans qu’il le fasse lui-même, « l’Allemagne ».

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Avant l’ouverture de son procès, M. Höcke a plusieurs fois répété qu’il ne savait pas que cette formule – « tout pour l’Allemagne » – était un slogan nazi. Ses détracteurs n’en croient pas un mot. D’abord parce que le prévenu, avant de se lancer en politique, a été professeur d’histoire, ce qui rend son ignorance quelque peu suspecte. Ensuite parce qu’il est coutumier de ce type de référence.

Partis politiques « dégénérés »

Dans une enquête publiée en septembre 2023, l’hebdomadaire Die Zeit a en effet démontré que, dans ses discours, M. Höcke n’hésitait pas à reprendre des mots ou des expressions en vogue sous le IIIe Reich, que ce soit pour ironiser sur le besoin d’« espace vital » (« Lebensraum ») de la population allemande, pour dénoncer les partis politiques « dégénérés » (« entartet ») ou pour qualifier un ministre de « corrupteur du peuple » (« Volksverderber »), formule utilisée par Hitler à propos des juifs dans son livre Mein Kampf.

Jeudi, Björn Höcke n’a pas dit un mot devant le tribunal, laissant ses avocats chicaner sur des questions de procédure pour retarder l’ouverture du procès. Parmi ses défenseurs, le dirigeant de l’AfD compte notamment un membre de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) qui était présent lors de la réunion secrète organisée à Potsdam, en novembre 2023, lors de laquelle fut évoqué un plan de « remigration » visant à déporter en Afrique du Nord plusieurs millions d’immigrés, ainsi que des citoyens allemands d’origine étrangère. La révélation de cette réunion secrète par le site d’investigation Correctiv, en janvier, avait fait l’effet d’un électrochoc en Allemagne, donnant lieu à des manifestations de masse contre l’extrême droite un peu partout dans le pays, d’une ampleur inégalée depuis la seconde guerre mondiale.

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