samedi, juin 29

« Voici l’eau sale distribuée par les autorités. » Celui qui parle est un habitant de la ville de Tiaret, 260 kilomètres au sud d’Alger, en train de verser dans des seaux un liquide tirant entre le jaunâtre et le marron, devant un camion dont la plaque d’immatriculation indique qu’il appartient aux autorités algériennes. Cette vidéo, publiée sur les réseaux sociaux, fait partie des nombreuses images d’amateurs qui témoignent d’une situation de pénurie d’eau dans la ville de Tiaret et les communes alentour : files d’attente pour atteindre les bidons d’eau, grandes citernes acheminées par des camions.

Depuis le mois de mai, le barrage de Ben Khedda, principale source d’approvisionnement en eau courante de la wilaya (préfecture) de Tiaret, est complètement à sec. Les faibles cumuls de précipitations, associés aux températures qui atteignent les 40 °C, expliquent cette situation. Résultat : les robinets des habitants ne fonctionnent pas.

« Le fait que le barrage de Ben Khedda soit complètement à sec depuis au moins un mois est une situation exceptionnelle, même pour cette région semi-désertique, explique Davide Faranda, climatologue et directeur de recherche au CNRS. Cette sécheresse extrême, qui a débuté vers 2022 et qui n’a jamais connu d’interruption, compromet gravement l’approvisionnement en eau, non seulement en Algérie mais aussi en Tunisie, au Maroc, en Sardaigne et en Sicile. » Davide Faranda est coauteur d’une étude qui démontre que la sécheresse dans la région peut être attribuée au dérèglement climatique d’origine humaine.

« On se sent abandonnés »

Yves Tramblay, hydroclimatologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à Montpellier, souligne que cette situation extrême s’inscrit dans une tendance de long terme. « Dans cette région, on observe depuis des années une forte hausse de l’évaporation à cause des hausses de températures, couplée à une baisse des cumuls de précipitations» Même si la zone est considérée comme semi-désertique, située non loin du Sahara, le réchauffement climatique aggrave les sécheresses et les pénuries. « Normalement, les barrages se rechargent en saison hivernale. Maintenant, même en fin de printemps, c’est sec », poursuit le chercheur, qui a travaillé sur les projections de la disponibilité des eaux de surface dans les barrages nord-africains, ajoutant que « les scénarios pointent vers une aggravation de ces phénomènes. Ce n’est pas un simple aléa météo ».

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Approximativement 600 000 personnes seraient concernées par le manque d’eau, en englobant la ville de Tiaret et les communes alentour. Selon des habitants sur place joints par téléphone ayant tous requis l’anonymat, la pénurie dure déjà depuis trois ans, mais elle n’avait jamais été aussi grave. « Avant, il était question de coupure toutes les semaines ou tous les quinze jours, ces dernières semaines, c’étaient plutôt des coupures tous les deux jours », témoigne un jeune homme.

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