Le défenseur international algérien Djamel Benlamri (34 ans, 32 sélections), dont les interventions médiatiques sont relativement rares, a profité d’un live sur le réseau social TikTok, vendredi 25 octobre, pour livrer son avis sur plusieurs sujets concernant la sélection nationale. Le joueur, actuellement à la recherche d’un club après son départ précipité d’Al-Shorta (Irak) s’est notamment exprimé sur le cas des binationaux, très largement majoritaires dans l’effectif des Fennecs depuis plusieurs années.
Le champion d’Afrique 2019, qui est né en Algérie, a effectué une partie de sa carrière dans son pays, évoluant notamment au NA Hussein Dey, à l’ES Sétif et à la JS Kabylie, avant de la poursuivre dans le Golfe persique et en France (Lyon). Interrogé sur l’élimination de l’Algérie par le Cameroun lors du dernier tour des qualifications pour la Coupe du monde 2022, Djamel Benlamri n’a pas mâché ses mots : « C’est ce qui arrive quand on fait appel à des joueurs qui ne connaissent pas l’hymne national. Ils jouent et repartent, savent qu’ils seront rappelés, même s’ils jouent mal. Le local, on lui donne vingt minutes : soit il joue bien tout de suite, soit il ne reverra jamais la sélection », a-t-il jugé.
Ces déclarations ne sont pas passées inaperçues dans un pays où tout ce qui concerne la sélection est particulièrement commenté. Et sans surprise, Djamel Benlamri, qui n’a plus joué pour l’équipe nationale depuis ce match de mars 2022, s’est attiré des critiques plus ou moins virulentes. « Cela peut flatter la fibre patriotique, faire plaisir à certaines personnes qui estiment qu’il n’y a pas assez de locaux dans la sélection, mais ce n’est pas une réflexion très mature. Djamel Benlamri est maladroit de s’attaquer à des joueurs qui ont été ses coéquipiers », juge Nasser Bouiche, l’ancien milieu de terrain du Mouloudia Club d’Alger et des Fennecs (42 sélections de 1981 à 1986). A ce jour, aucun joueur binational ayant évolué avec lui n’a publiquement réagi aux propos du défenseur.
« Il a tout faux »
Ils ont toutefois fortement déplu à Nordine Kourichi, international algérien dans les années 1980 et né en France, à Ostricourt (Nord). « Depuis quand connaître l’hymne national fait-il gagner des matches ? Les binationaux sont autant impliqués que les locaux, car même s’ils sont nés en France, l’Algérie est le pays de leurs parents, ils y sont attachés, ce qui était mon cas à l’époque, explique celui qui fût également l’adjoint du sélectionneur Vahid Halilhodzic entre 2011 et 2014. J’ai vu, quand j’étais dans le staff de la sélection, beaucoup de binationaux, et tous avaient un comportement très professionnel et respectueux. Benlamri oublie surtout un point essentiel : celui de leur apport sportif. »
Comme d’autres sélections africaines, l’Algérie mise beaucoup sur des internationaux nés et formés à l’étranger. Lors des deux derniers matches face au Togo (5-1, 1-0, les 10 et 14 octobre) en qualifications pour la Coupe d’Afrique des nations 2025, Vladimir Petkovic, le sélectionneur bosno-suisse, n’avait convoqué que quatre joueurs évoluant dans le championnat local.
« Je connais Djamel Benlamri, qui est un garçon charmant, mais il a tout faux : sans les binationaux, dont les performances sont jugées sans complaisance, l’Algérie aurait une sélection plus que moyenne. Elle n’aurait sans doute pas remporté la CAN 2019 et ne se qualifierait pas souvent pour cette compétition ou la Coupe du monde », affirme Nasser Sandjak. L’ancien sélectionneur national (2000) s’étonne que Djamel Benlamri puisse « nier cette évidence. »
La formation délaissée en Algérie
Pour étayer ses propos, Nasser Sandjak rappelle la différence de niveaux entre le championnat algérien et les meilleures ligues européennes. « Depuis quarante ans, seules l’ES Sétif [1988 et 2014] et la JS Kabylie [1990] ont rapporté à l’Algérie une Ligue des champions. De plus, la plupart des binationaux sont nés en France, où la formation est l’une des meilleures du monde. Leur apport est donc énorme pour la sélection. Il y a en Algérie des gens qui sont restés bloqués sur la génération qui avait battu la RFA lors du Mondial 1982, avec Rabah Madjer, Lakhdar Belloumi, Ali Fergani ou Salah Assad, formés au pays. Mais à l’époque, il y avait une vraie politique de formation en Algérie. » Depuis, la quasi-totalité des clubs ont délaissé cette mission pourtant fondamentale.
« Plutôt que de s’en prendre aux binationaux, Djamel Benlamri devrait plutôt demander à la fédération algérienne et aux clubs pourquoi, dans un pays avec un si fort potentiel, on délaisse autant les jeunes et la formation ? Et pourquoi le niveau du championnat local est aussi moyen ? Parce que former des joueurs, cela prend du temps, ça coûte cher, et les clubs n’ont pas envie de faire cet investissement », regrette Nordine Kourichi. Et Nasser Bouiche de conclure : « L’Algérie ne peut pas se priver des binationaux, et cela va encore durer ! »