mardi, mai 21
Vue aérienne du domaine Reyneke, près de Stellenbosch, en Afrique du Sud, le 5 avril 2024.

C’est une révolution en douceur : pour protéger le vignoble sud-africain des ravages du réchauffement climatique, qui promet des pluies plus rares mais aussi plus violentes, il faut épouser les courbes du paysage et recycler l’eau tombée du ciel.

« Avant, les vignes étaient plantées par blocs carrés », raconte à l’AFP Rosa Kruger, 64 ans, au domaine Reyneke, situé au cœur du vignoble de Stellenbosch. La conseillère viticole au regard bleu intense, mondialement saluée pour sa contribution à la qualité des terroirs sud-africains, passait pour une douce dingue quand elle s’est lancée dans cette croisade, il y a plus d’une dizaine d’années.

Rosa Kruger montre les drains entre chaque parcelle pour récupérer les eaux de pluie. Ils épousent le terrain et rejoignent un réservoir au pied de la pente. « Je n’accepte pas la fatalité. On peut bien se battre un peu, non ? », plaisante l’ancienne juriste, espiègle et indépendante, qui semble s’être fixé comme règle de vie de ne faire que ce qui lui plaît. « Tous les vignobles m’appartiennent. Je ne possède aucune terre, mais c’est ce que je me raconte… », dit-elle entre deux échanges en afrikaans avec des ouvriers agricoles.

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Entre les parcelles, elle a prévu des zones pour planter des buissons de fynbos, plantes endémiques de la région, peu gourmandes en eau et qui sentent bon le maquis. Cela dans le but de « gagner en biodiversité », de faire revenir insectes et divers animaux, permettant de moins traiter la vigne et d’assainir les sols. En bordure des vignes, des pins, plantés par les colons européens autrefois, consommaient trop d’eau. Ils ont été arrachés.

La terre appauvrie s’effrite sous les déluges de pluie, entre de longues périodes de sécheresse aggravées cette année par le phénomène El Nino. Comme ce pan de terre remuée, en haut du coteau, qu’elle désigne du doigt. « S’il y a encore des gens qui doutent du dérèglement climatique, il faut leur parler de l’Afrique du Sud », glisse-t-elle.

Pénuries d’eau

Le domaine Reyneke jouit de conditions plutôt favorables : « sols granitiques, vents dominants, proximité de l’Atlantique », liste Rudiger Gretschel, 46 ans, chef de cave et directeur du domaine. Mais « faire pousser du raisin à la pointe de l’Afrique est une gageure », rappelle-t-il : « Le climat est déjà irrégulier, nous avons déjà peu de pluie, il fait déjà très chaud. » Les investissements d’aujourd’hui pour limiter les effets du réchauffement doivent « garantir la pérennité du domaine pour au moins cinquante ou cent ans ».

Son domaine en biodynamie compte des dizaines de vaches, dont on récupère le fumier pour nourrir le sol. De vieilles vignes, notamment de chenin, cépage emblématique de la Loire, en France, permettent de continuer à faire du vin pendant les travaux. Les nouveaux plants ne produisent qu’au bout de trois ou quatre ans.

Les prévisions climatiques annoncent jusqu’à 3 °C de plus d’ici à la fin du siècle, voire bien plus tôt. « Ça semble peu comme ça, mais je vous assure qu’il va faire chaud ! », souligne Rosa Kruger. Mais aussi jusqu’à 30 % de moins de pluie d’ici à 2050, moins bien répartie dans l’année et qui tombera en trombe, provoquant des inondations.

La ville touristique du Cap, à moins d’une heure de route, souffre déjà régulièrement de pénuries d’eau. « Quand il y aura moins de pluie, les citadins seront prioritaires, pas les agriculteurs », note la conseillère viticole. Raison de plus pour prévoir dès maintenant de fonctionner en autosuffisance, sans nécessité d’irriguer. « C’est tout le sens de la démarche. »

Le Monde avec AFP

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