Emmanuelle, la nouvelle adaptation du roman d’Emmanuelle Arsan, la cinquantième au moins en comptant les nombreux téléfilms et déclinaisons pornographiques, arrive sur grand écran le 25 septembre. Noémie Merlant reprend le rôle-titre créé par l’emblématique Néerlandaise Sylvia Kristel, dans cette version réalisée par Audrey Diwan, une des rares femmes à se lancer à l’assaut de ce monument de la littérature érotique.
Il est frappant de constater que Le Monde s’est imposé d’emblée comme un compagnon de route d’Emmanuelle, à défaut d’en avoir toujours été le thuriféraire. Le livre fait son apparition dans le supplément littéraire du quotidien du soir le 13 juillet 1968. Le mois de mai et ses barricades ne sont pas très loin, mais une autre révolution, sexuelle, va prendre le relais. Personne n’imagine alors qu’elle va s’installer de manière aussi durable.
Edité par Le Terrain vague, la maison d’Eric Losfeld, qui a publié Boris Vian, Benjamin Péret, Marcel Duchamp, Léo Malet et réédité le marquis de Sade, Emmanuelle franchit la barre des cent mille exemplaires. Certes loin derrière les six cent mille ventes de l’essai de Jean-Jacques Servan-Schreiber Le Défi américain, mais la performance n’en est pas moins remarquable pour un ouvrage interdit de vente aux mineurs et privé de publicité pour son « caractère licencieux, pornographique ou criminogène ». Le roman autobiographique d’Emmanuelle Arsan est qualifié par Jean-Louis de Rambures dans les colonnes du Monde de « roman du “deuxième rayon” », mais le journaliste se montre sensible au phénomène : « Le tirage exceptionnel de ce roman exotico-saphique, qui s’est arraché au drugstore, indique la vogue de la littérature érotique. »
Près de neuf millions d’entrées en salle
Emmanuelle a la vie devant elle. Lorsque la célèbre adaptation de Just Jaeckin sort en salle le 26 juin 1974, Le Monde en rend compte le surlendemain. La critique de Martin Even reste pour le moins réservée. S’il note que la décision de la commission de contrôle cinématographique de retarder la sortie du film de quinze jours a créé une publicité bienvenue, il résume le long-métrage à « un mélange d’exotisme et de sexualité, sur lequel est plaqué un fatras de philosophie embrumée, comme on en fait à l’heure du dernier whisky dans les salons de la société ». Le style léché du photographe Just Jaeckin est raillé. Le nom de Sylvia Kristel, dont le visage et la plastique frapperont bien des esprits, n’est même pas mentionné.
Un an plus tard, Emmanuelle n’est plus ce film érotique sorti discrètement, mais un phénomène français – près de neuf millions d’entrées en salle – et mondial, avec cinquante millions de tickets vendus. Le Monde prend la mesure du cas Emmanuelle le 12 juin 1975, avec un article de Catherine B. Clément, intitulé sobrement « Sur un an de succès ».
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