mardi, mai 21

Nouvelles coupes budgétaires, discours de blâme des hauts fonctionnaires, annonce sur les licenciements dans la fonction publique : depuis quelques semaines, l’administration est prise pour cible par le gouvernement, qui rejette sur elle ses propres manquements. Au risque de poursuivre le dangereux affaiblissement de l’Etat à l’origine de la situation actuelle.

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« Faciliter les licenciements dans la fonction publique pour insuffisance professionnelle » et envisager « la suppression des catégories A, B et C » : en parlant « sans tabous » – un terme répété plusieurs fois –, le ministre de la fonction publique, Stanislas Guerini, a annoncé comme révolutionnaires des mesures qui, dans les faits, ne changeraient pas grand-chose.

La possibilité de licencier existe déjà : si le nombre de licenciements est faible, c’est plutôt un problème lié à l’absence de véritable management au sein de l’Etat qu’un vide réglementaire à combler. Quant aux catégories A, B et C de fonctionnaires, les supprimer sans penser à une alternative pour assurer la gestion des carrières ne ferait que dégrader plus encore la situation actuelle.

Calculs électoraux

Derrière ces annonces sans préparation se cachent des calculs électoraux. Le parti au pouvoir espère gagner quelques voix, notamment à droite, en pariant sur l’« antiétatisme » présumé des Français. Pari manqué : les mesures annoncées sont de toute façon trop techniques pour convaincre le grand public. Quand des élites technocratiques s’essaient au populisme sans connaître la population, il en résulte un effet électoral nul, mais un risque réel de dégâts institutionnels. Surtout, se trouve, à l’origine du présumé « antiétatisme » des Français, le sentiment fondé que l’Etat dysfonctionne, coûtant toujours plus cher pour des services de moins bonne qualité, une situation que le chef de l’Etat, qui semble rejeter la faute sur son administration, a largement contribué à aggraver.

Car ces annonces ne se réduisent pas à des calculs électoraux : elles s’inscrivent dans un mouvement de fond lié à la conception même qu’Emmanuel Macron se fait de l’Etat. A l’inverse, par exemple, du général de Gaulle ou de Georges Pompidou, qui percevaient l’Etat comme un instrument leur permettant de gouverner, Emmanuel Macron appartient à une génération d’hommes politiques pour qui l’Etat est comme un contre-pouvoir qu’il faudrait élaguer, « ubériser », pour gagner en marge de manœuvre et en flexibilité.

Nourri au « new public management » des années 1990, il expliquait dans la préface de L’Etat en mode start-up (sous la direction de Yann Algan et Thomas Cazenave, Eyrolles, 2016) qu’il fallait passer à une « administration 100 % numérique », appelant, entre les lignes, à numériser tout ce qui pouvait l’être dans les services de l’Etat et à contractualiser ou privatiser le reste. L’idée était d’alléger la présence de l’Etat sur le terrain, espérant un surcroît « d’agilité » pour les citoyens et les dirigeants.

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