samedi, mai 18
L’écrivaine et journaliste Emilienne Malfatto, à Paris, en 2022.

Il y a un avantage à détester l’endroit où l’on a grandi : l’envie folle d’aller voir ailleurs et, qui sait, la possibilité de faire éclore son talent à l’abri des regards trop familiers ou trop hostiles. Comme Rimbaud fuyant Charleville ou Stendhal tournant le dos à Grenoble, Emilienne Malfatto a quitté, tout juste majeure, la ville de Haute-Loire où elle est née en 1989 – elle préfère qu’on en taise le nom –, pour aller arpenter le monde et écrire. « C’était un peu compliqué d’être différente des autres », confie pudiquement au « Monde des livres » la journaliste, écrivaine et photoreporter, lors d’un récent passage à Paris. Tout juste revenue d’une remise de prix à Venise pour l’ensemble de son travail, cette globe-trotteuse repartait dès le lendemain à Montpellier, où elle est actuellement hébergée, non loin de sa région de cœur, les Cévennes.

Seize ans après son grand départ, Emilienne Malfatto affiche une vie d’aven­turière et d’autrice déjà bien remplie : un prix Goncourt du premier roman, en 2021, pour Que sur toi se lamente le ­Tigre (Elyzad), histoire du meurtre d’une jeune femme tombée enceinte hors mariage en Irak, et le prix Albert-Londres du livre de reportage, la même année, pour Les serpents viendront pour toi (Les Arènes), fascinante enquête en Colombie sur l’assassinat d’une défenseuse des droits sociaux. Portée par la même fougue, elle signe aujourd’hui son quatrième livre : L’absence est une femme aux cheveux noirs, envoûtante « déambulation littéraire » en Argentine sur les traces des disparus de la dictature militaire (1976-1983) et de leurs enfants.

De ce parcours Emilienne Malfatto semble être la première étonnée. « J’ai eu de la chance, de faire ce métier », s’excuserait presque cette trentenaire pétillante, à la voix profonde et au rire facile. A 18 ans, le bac en poche, elle met le cap sur la Colombie. C’est là, dans ce qui deviendra son « deuxième pays », qu’elle découvre le journalisme, lors d’un stage au grand quotidien El Espectador. Rentrée en France se former à l’école de journalisme de Sciences Po, elle est recrutée par l’AFP, envoyée en poste à Chypre, au bureau Afrique et Moyen-Orient. C’était en mai 2014, un mois avant l’autoproclamation du califat de l’Etat islamique. Dépêchée en renfort en Irak, alors en guerre, elle se prend de passion pour le pays. Et s’offre le luxe, à la fin de son CDD de huit mois, de décliner un poste à Washington pour rester sur place, mais en free-lance. « Je me suis dit que c’était le moment ou jamais d’aller sur le terrain. »

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