- Calculs rénaux ou biliaires, colique néphrétique, fracture osseuse… Autant de douleurs insurmontables pour le corps humain.
- Mais les femmes et les hommes restent inégaux devant le mal.
- La médecin urgentiste Agnès Ricard-Hibon rappelle à TF1 Info que la médecine considère moins bien la douleur féminine. Des États Généraux de la Douleur des Femmes espèrent changer les choses.
Suivez la couverture complète
Avec Elles
« Sur une échelle de un à dix, à quel niveau se situe votre douleur ? » Chez le médecin ou à l’hôpital, vous froncez les sourcils et vous interrogez : quatre, c’est peu pour une migraine aigüe. Six paraît plus cohérent. Et pourquoi pas huit ou neuf ? Après tout, la douleur fulgurante irradie jusque derrière la tête. Il s’agit, d’après plusieurs études, d’une des douleurs les plus insurmontables pour le corps humain, comparable à un accouchement ou à un membre coupé. La douleur reste subjective et chacun la perçoit à sa façon.
À l’occasion de la Journée mondiale de la douleur, le 20 octobre, plusieurs médecins, psychiatres, chercheurs et anciens ministres de la Santé à l’image de Marisol Touraine ou Olivier Véran, lancent les Etats Généraux de la Douleur des Femmes. Cette plateforme vise à récolter un maximum de témoignages de femmes (nouvelle fenêtre), d’hommes et de professionnels de la santé sur leur rapport et leur expérience à la douleur des femmes. Objectif : évaluer les inégalités de genre dans la prise en charge et le traitement de la douleur. Plusieurs études, à l’image de celle-ci publiée dans la revue médicale suisse (nouvelle fenêtre), montrent que les femmes subissent généralement des douleurs plus élevées, mais elles la tolèrent mieux et la déclarent moins.
Des inégalités de genre face à la douleur
Agnès Ricard-Hibon, Présidente honoraire et porte-parole de la Société française des médecins urgentistes, fait le même constate face à ses patientes : « Nous ne sommes pas égaux face à la douleur. Elle est moins bien détectée, moins prise en compte, moins prise en charge et moins bien traitée pour les femmes. Elles ont tendance elles-mêmes à les minimiser et se censurer. Lorsqu’elles se rendent aux urgences pour des douleurs aigües, on parle de syndrome méditerranéen (exprimer trop fort des douleurs exagérées) alors qu’elles souffrent vraiment. »
Une hérésie alors qu’autant d’hommes et de femmes vivent sur notre planète.
Mais les raisons de cette défaillance s’expliquent par l’évolution de notre société patriarcale, le sexisme et plus généralement les constructions sociales : « Historiquement, les chercheurs exclusivement masculins réalisaient des études pour le corps des hommes. Quant aux femmes, on leur explique depuis qu’elles sont toutes petites que c’est normal d’avoir mal pendant leurs règles, leur grossesse et leur accouchement et que les femmes fortes ne se plaignent pas. Résultat : les soignants préfèrent traiter la pathologie et non le symptôme »
, reprend la médecin. Cette différence de considération provoque des retards de diagnostic : « On a découvert récemment par hasard qu’il existe une différence biologique dans l’
infarctus du myocarde
: typique chez l’homme et atypique chez la femme, elle ne présente pas les mêmes observations cliniques. Chez la femme, on observe une mortalité plus élevée parce qu’on ne prend pas en compte à temps leur symptomatologie atypique. »
L’endométriose illustre ce phénomène. Alors qu’elle pourrait toucher 10% des femmes, elle reste sous diagnostiquée et pas suffisamment bien soignée : « Cette maladie reste très douloureuse et invalidante sur le plan social et professionnel. Elle génère des impacts sociétaux et médico économiques importants »
, insiste Agnès Ricard-Hibon. La médecin assure que plus nous passons de temps à endurer et à manquer de soin, plus les impacts sur la vie quotidienne deviennent majeurs et difficiles à contrecarrer.
« Aujourd’hui, la voix des femmes est mieux prise en compte, plus de chercheurs se penchent sur leurs douleurs et l’impact sur les pathologies et la guérison. Il y a davantage de décisionnaires féminines qui ont conscience de leurs problématiques »
, se réjouit Agnès Ricard-Hibon. Mais il reste beaucoup à faire : « Les femmes ont probablement besoin de nouveaux schémas analgésiques et/ou multimodaux pour améliorer leur confort, diminuer leur symptomatologie, mais aussi accélérer leur récupération »
, assure le collectif Douleurdesfemmes.
La médecin encourage les femmes qui le souhaitent à raconter leur galère de soin, la non prise en compte des douleurs réelles et d’éventuels retards de diagnostics : « Nous voulons montrer l’ampleur de cette problématique. La plateforme participative sert à réfléchir à des méthodes pour améliorer la prise en charge et le soulagement des pathologies. Aujourd’hui, nous savons adapter l’analgésie multimodale aux femmes et leur éviter les douleurs chroniques. »
Ces témoignages resteront anonymes. En 2026, le collectif organisera plusieurs rencontres pour identifier des solutions concrètes autour de plusieurs professionnels de santé (médecin généraliste, pharmacien, infirmier…), des acteurs institutionnels et des représentants associatifs santé de la femme. Objectif : restituer ces réflexions par écrit et organiser une grande campagne d’information et de sensibilisation auprès du grand public et des professionnels de santé.









