Retrouvez ici tous les épisodes de la série « Les fausses bonnes idées de l’été ».
Ça semble tomber sous le sens. Deux places séparées et quelqu’un qui voyage seul. Pourquoi le siège 10C n’accepterait-il pas de se déplacer pour laisser des proches voyager côte à côte ? Et pourtant, ce qui a tout l’air d’une géniale optimisation s’avère le plus souvent une très mauvaise idée en vacances.
D’abord, parce que ce qui devrait être une occasion de se sentir valorisé en rendant service à peu de frais met souvent le voyageur sollicité de légère mauvaise humeur. La proposition lui rappelle qu’il ne pèse guère dans la rationalisation des bonheurs collectifs. Pour peu qu’il se sente déjà variable d’ajustement toute l’année – il part peut-être rejoindre une maison de vacances où on lui a réservé le Clic-Clac du salon, ou, pire, la chambre avec lit superposé ou le lit une place – voilà qu’on lui dit qu’il peut bien ramasser ses affaires pour le bonheur des autres, qu’on lui rappelle qu’il n’a ni conjoint, ni enfant, ni camarade de voyage.
Voilà le 10C dans l’impasse. Ou il dit oui et voit son geste pris pour acquis (les gens qui voyagent en couple trouvant naturel qu’on s’éclipse devant eux, et ceux avec enfants qu’on se bouge pour leur laisser la vue) et n’est pas remercié. Ou il dit « Non, je suis bien là » et passe pour égoïste et ronchon, y compris à ses propres yeux (comment ai-je pu gâcher le plaisir d’autrui ?).
La requête est d’autant plus agaçante qu’elle exige une réponse rapide quand on aurait plusieurs questions à poser (l’autre place est-elle un siège du milieu dans l’avion ? dans le sens inverse de la marche dans le train ? qui sont les voisins ?), et ceux qui se drapent dans une posture morale (j’ai réservé, ou parfois payé en plus pour avoir ce siège) sentent que l’argument pèse peu. Ils ont forcément le mauvais rôle.
Devoir aller reconstruire un nid ailleurs
Par quel mécanisme se retrouve-t-on à dire « mais bien sûr » en bougonnant intérieurement ? Peut-être aussi parce que voyager est devenu plus compliqué. Il faut veiller au poids du bagage autorisé, enlever chaussures et ceinture au portique de sécurité de l’aéroport, déplacer des valises dans le compartiment à bagages pour faire une petite place à la sienne… Une fois assis, on décompense (ce qui explique aussi que des gens soient capables de mordre dans leur sandwich à 17 h 03, dès que le train commence à rouler, alors qu’habituellement, ils ne mangent pas de sandwich à 17 heures). D’autres enlèvent leurs chaussures ou rangent un magazine dans le filet devant eux, histoire de se construire un chez-soi bien rangé. Bien installé, le voyage commence, et la dernière chose que l’on souhaite alors, c’est de devoir aller reconstruire un nid ailleurs.
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