mardi, janvier 7

Beaucoup l’attendaient, elle est là: la saison de la galette des rois est officiellement ouverte. Avant même la date officielle de l’Épiphanie, lundi 6 janvier 2025, les Français et gourmands du monde entier la dégustent et essaient, le temps de quelques heures, d’être les meilleurs souverains possibles.

Une tradition chère aux cœurs des chrétiens catholiques, à l’occasion de l’Épiphanie (fête de la visite des rois mages à l’enfant Jésus), mais pas seulement, puisque l’on partage désormais la galette des rois dans l’intimité des familles, des cercles amicaux et professionnels.

En revanche, et contrairement aux idées reçues, la galette des rois n’est pas une tradition religieuse, et elle ne provient en aucun cas des fêtes romaines datant de l’Antiquité.

Une Histoire sans cesse réécrite

Loïc Bienassis, historien à l’Institut européen d’Histoire et des cultures de l’alimentation (IEHCE) de l’Université de Tours (Indre-et-Loire) et auteur de La Grande Histoire de la Gastronomie (Larousse), l’affirme: bien loin du mythe, la galette des rois aurait en réalité été créée au Moyen-âge par des sujets amusés par l’idée de « tirer les rois » et de s’asseoir à leur tour sur un trône fictif.

« Ce sont les moralistes religieux du XVIIe siècle qui ont discrédité la galette des rois par crainte des pratiques païennes et qui se la sont appropriée », confie l’historien.

Ce sont ces mêmes moralistes qui, toujours d’après Loïc Bienassis, auraient transformé l’Histoire pour rattacher la galette aux fêtes romaines jugées impudiques et à contre-courant des principes religieux catholiques.

Les premières mentions claires et manuscrites de la galette des rois remontent ainsi à la fin de cette période historique, bien qu’au XIIIe siècle, à Besançon, des chanoines aient abordé le sujet dans plusieurs documents. Les rois païens y deviennent des mages en écho à la naissance du Christ, Balthazar, Melchior et Gaspard.

À cette époque, la galette ne s’appelle pas encore « galette » et ressemble surtout à un gros pain enrichi de fruits. En 1653, dans l’ouvrage intitulé Le Pâtissier Français (dont l’auteur est anonyme), la première vraie recette de la galette des rois mentionne plusieurs ingrédients dont de la « farine fine », des œufs et, bien évidemment, du beurre. Pour Loïc Bienassis, il s’agit-là de la démarche à suivre pour obtenir une brioche particulièrement épaisse et levée à souhait.

Il faudra attendre le XVIIe siècle pour qu’apparaisse le feuilletage de la pâte. « Là encore une invention française », ajoute Loïc Bienassis. L’uniformisation de la recette de la galette des rois n’aura lieu qu’à partir de la décennie 1930, à Paris, où l’ingrédient phare est alors l’amande (faisant son apparition vers le XIXe siècle). La galette à la frangipane telle que nous la connaissons aujourd’hui date, en réalité, d’hier.

Gourmandise à la française

« Je rappelle qu’il n’y a pas de fève ici », lançait Emmanuel Macron aux journalistes en janvier 2024 lors de la dégustation annuelle de la galette des rois de l’Élysée. En effet dans la garniture de la « Galette de l’Égalité » servie au président, on ne trouve rien d’autre que de l’amande. Aucune pièce d’or ou petite statuette de porcelaine, celle-ci étant associée à la fève chrétienne du XVIIe siècle.

Selon les principes de la République au premier rang desquels figure la laïcité, aucune référence religieuse ne peut être faite au cours d’une célébration officielle. « En 2025, ce qui prime, c’est surtout le fait de pouvoir partager un moment convivial autour d’une création gourmande », confie Loïc Bienassis.

La gourmandise, « noble défaut » s’accordent l’historien et Douglas Oberson, chef pâtissier exécutif en charge des 36 adresses d’Alain Ducasse à travers le monde. Assurément le point commun de tous les Français dont la gastronomie fait partie intégrante de la culture nationale.

« Peu importe la recette finalement. Qu’il s’agisse d’une galette ou d’un gâteau des rois, ce qui explique le succès de ce produit c’est un parfait équilibre entre de bons ingrédients qui plongent les consommateurs en enfance et un tour de main précis », décrit le chef. « Ce qui est également intéressant, c’est la curiosité des artisans et leur volonté soit de se donner corps et âme dans la réalisation d’une galette traditionnelle, soit de faire découvrir de nouvelles saveurs aux autres. »

La tradition, une question de représentation

Parle-t-on de pain au chocolat ou de chocolatine? Parle-t-on de galette de frangipane ou de gâteau des rois? Il semblerait là encore que nous soyons face à un énième débat culinaire animé: lorsqu’au nord de la Loire on déguste la galette feuilletée, au sud, on lui préfère un pain brioché aux fruits confits. « On a autant de galettes que de représentations. La pâtisserie ne sera pas la même en fonction de la région, de ses origines, de ses goûts », confie Loïc Bienassis.

Aujourd’hui, on trouve une multitude de galettes différentes qui conviennent à tous les palais: à la frangipane, à la compote de pomme, au chocolat, à la pistache, à la confiture d’abricot, aux fruits confits ou encore en version « hollandaise » avec un feuilletage réalisé sur la base d’une pâte macaronnée. Mais quelle est, alors, la recette correspondant à la tradition?

Et si dans l’imaginaire collectif, tradition rime avec ancienneté, pour Loïc Bienassis, il n’en est rien. « Une tradition doit s’inscrire dans un temps à venir qui débute au présent », explique-t-il. Ce qui ne veut pas dire que le récent ajout de frangipane dans la recette de la galette n’est pas pour autant synonyme de tradition. La diversification actuelle de la recette en est l’ultime preuve puisqu’il y a « mise à mal d’un type de galette installé depuis peu. Finalement, le gâteau des rois provençal correspond davantage à la recette originelle du fameux ‘pain enrichi’ de l’Ancien Régime », conclut l’historien.

Il n’existe donc pas de « vraie » galette des rois traditionnelle et toutes les recettes, sudiste, nordiste et parisienne, se valent. Maintenant, c’est à vous de choisir et le plus dur sera sûrement de n’en goûter qu’une.

Article original publié sur BFMTV.com

Partager
Exit mobile version