« “Vous direz que je suis tombé” », de Jean Azarel : Jack-Alain Léger, graphomane allumé et « voyant »

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« “Vous direz que je suis tombé”. Vies et morts de Jack-Alain Léger », de Jean Azarel, Séguier, 320 p., 23 €, numérique 16 €.

Le disque date de 1969. Sur la pochette bleutée, un homme seul, en équilibre au bord d’un étang, semble sur le point de tomber dans l’eau. Est-il joyeux, ivre, désespéré ? Vous direz que je suis tombé, suggère le ­titre de la deuxième chanson. Malgré un Grand Prix de l’Académie Charles-Cros, La Devanture des ivresses est resté l’unique album de Melmoth, chanteur éphémère parfois à la limite de la justesse. Quant à Daniel-Louis Théron, alias Melmoth, devenu romancier, il s’est jeté par la fenêtre de son appartement parisien le 17 juillet 2013, emportant avec lui tous ses avatars, dont Dashiell Hedayat, Paul Smaïl, Eve Saint-Roch et le plus célèbre d’entre eux, Jack-Alain Léger (1947-2013).

« Vous direz que je suis tombé. » Dix ans après le suicide de l’écrivain, c’est sous ce titre prémonitoire que Jean Azarel, lui-même auteur de plusieurs romans, dresse un portrait biographique de Jack-Alain ­Léger, créateur visionnaire et tourmenté, bipolaire, narcissique, excessif, affabu­lateur, homosexuel masochiste, drôle et profondément mélancolique à la fois, toujours au bord du précipice (Séguier, 320 pages, 23 euros, numérique 16 euros).

A défaut d’une biographie rigoureuse, « qui du reste ne serait pas conforme à sa personnalité à tiroirs », Azarel offre une enquête assez captivante, malgré quelques passages superflus.

Les témoignages de membres de la famille, d’amis comme Bertrand Burgalat, ou encore de l’avocat Emmanuel Pierrat, qui fut son tuteur dans ses dernières années, permettent d’éclairer certaines zones d’ombre, et de comprendre un peu mieux le parcours singulièrement heurté de Léger. Un chemin marqué par quelques sommets – en particulier son roman Monsignore (Robert Laffont, 1976), polar parodique vendu à 350 000 exemplaires en France et traduit dans 23 langues –, mais qui comporte beaucoup de bas.

A la source des traumatismes de l’écrivain

Les chapitres les plus forts sont ceux qui remontent à la source des traumatismes du romancier. Daniel-Louis Théron se sent un mort-vivant. Deux ans avant sa naissance, sa mère a perdu un premier fils, Louis-Daniel, étranglé par son cordon ombilical. Daniel-Louis est un « remplaçant », qui porte les prénoms inversés du frère disparu. En 1947, quelques jours avant l’arrivée du nouvel enfant, Alice Théron tente de se tuer. La mère et le fœtus survivent, mais elle finira par se suicider en 1971. Daniel-Louis se retrouve ainsi à « partager son existence avec le fantôme d’un frère défunt », décrypte Azarel. De plus, il côtoie d’une part une « mère suicidaire, sorte de martyre silencieuse, mais idolâtrée, voire sanctifiée », de l’autre un père « sans envergure, vomi, accusé d’avoir laissé mourir sa femme ».

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