« Visions » : rêve et réalité s’emmêlent sur un scénario de roman-photo

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L’AVIS DU « MONDE » – ON PEUT ÉVITER

On ne pouvait pas faire entrée en matière plus édifiante : Visions s’ouvre sur un long générique emprunté au Sueurs froides (1958) d’Alfred Hitchcock (1899-1980) : des gros plans plongent, comme au microscope, à l’intérieur d’une succession de pupilles, accompagnés par une partition romantique et morbide évoquant celle du compositeur Bernard Herrmann (1911-1975). Puis, le premier plan dévoile un grandiloquent format Scope : la mer envahit l’écran, dans lequel on distingue, en tout petit, la silhouette d’une nageuse que les premières séquences du film s’appliqueront à portraiturer.

Pilote de ligne professionnelle, Estelle (Diane Kruger) glisse le long d’un quotidien d’athlète réglé au cordeau et surveillé par tout un attirail d’engins (montres intelligentes, applications, logiciels). Quand elle n’est pas aux manettes d’un avion, elle rejoint sa somptueuse villa avec piscine sur la Côte d’Azur, au côté de son chirurgien de mari (Mathieu Kassovitz), avec qui elle tente vainement d’avoir un enfant.

Le premier grain de sable arrive sous la forme d’une femme, Ana (Marta Nieto), photographe, qui fut le grand amour de jeunesse d’Estelle et avec laquelle elle entame une liaison. Après une (très longue) mise en place insistant sur la routine millimétrée d’Estelle, voilà que Visions s’emballe. D’un côté, l’érotisme soft de la liaison lesbienne (pur fantasme d’homme plutôt charmant dans sa ringardise), de l’autre les visions et « étranges événements » qui envahissent la vie d’Estelle : paranoïa, amnésie, cauchemars…

Images lustrées

Le brouillage des frontières entre rêve et réalité dissimule mal la folle indigence de ce scénario de roman-photo guidé par le plus grand des arbitraires : Ana serait-elle morte ? Le mari droguerait-il sa compagne ? Estelle serait-elle une meurtrière ? Le tout agrémenté de beaucoup de réveils en sueur et de regards interloqués. Au milieu de ce grand malaise, Diane Kruger se montre impériale.

Le minimum de vraisemblance qu’on demande à un film, Yann Gozlan (réalisateur de Boîte noire, 2021) semble s’en moquer : il cuisine son cinéma, rend hommage et se mesure à Hitchcock, David Lynch, au genre policier Giallo. Le récit inintelligible n’est qu’un prétexte à ses images lustrées, véritable ode à un mode de vie de luxe qui semble le subjuguer : aéroports, bord de mer, galerie d’art tokyoïte et grandes villas modernistes qu’il filme en Brian De Palma du dimanche. Même les deux yeux grands ouverts, l’impression persiste d’avoir sans cesse raté un chapitre, d’être, comme Estelle, un peu « jet-lagué ».

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