Ursula Schultze-Bluhm (1921-1999), que l’on désigne par son seul prénom, est à peu près inconnue en France. En Allemagne, sa célébrité est établie de longue date, comme le prouve l’affluence dans sa rétrospective au Musée Ludwig, à Cologne, où elle a vécu ses trente dernières années. Or on peut écrire, sans exagération, que son œuvre est d’une singularité et d’une inventivité remarquables, extérieure à toute école et à toute tradition. Elle déjoue les catégories toutes faites et s’impose par la puissance de son travail.
Sa vie tient en peu de phrases. Fille unique, Ursula Bluhm naît en 1921 dans une famille bourgeoise du Brandebourg qui déménage près de Berlin en 1938. Pendant la seconde guerre mondiale, la jeune fille est contrainte par le régime nazi d’accomplir des tâches administratives et assiste à la destruction de la ville. Ayant appris l’anglais et le français au lycée, elle travaille, à partir de 1945, pour les services culturels américains à Berlin, puis à Francfort, à partir de 1949. L’année suivante, elle peint ses premières œuvres, pour accompagner les contes qu’elle écrit.
Sa première exposition personnelle se tient à Francfort en 1954 et, par la suite, elle présente régulièrement son travail dans des galeries et musées. En 1977, elle est invitée à la manifestation culturelle Documenta 6 à Kassel : elle est donc loin d’être une inconnue et a de nombreux collectionneurs dans son pays. Dernier élément : elle épouse, en 1955, le peintre Bernard Schultze (1915-2005), rencontré en 1949, alors figure connue de l’abstraction gestuelle.
Plusieurs modes de création
Définir l’œuvre est moins simple. Du point de vue technique, Ursula dessine au crayon noir, aux crayons de couleur ou à l’encre sur papier et peint à l’huile sur carton, puis, à partir de la fin des années 1950, sur toile. Ses premiers assemblages datent de 1958 et elle développe cette pratique jusqu’à des installations de plus en plus vastes qui incluent des objets trouvés, meubles, têtes de mannequin pour vitrines, plumes de paon et fourrures, l’un de ses matériaux de prédilection. La plupart sont des boîtes ou armoires peintes et souvent surmontées de bustes ou de têtes féminines abondamment parées. Elle a donc plusieurs modes de création qu’elle emploie conjointement.
L’unité de son œuvre n’en est que plus flagrante : unité de style mais aussi unité poétique et symbolique. Le style se caractérise par la continuité et la précision du dessin, qui trace d’innombrables lignes, presque toutes courbes ou serpentines. Ces lignes déterminent des figures qui sont à la fois aisément identifiables et non conformes aux usages de la représentation. Les proportions des éléments d’un visage ou des membres et organes d’un corps animal ou humain sont très éloignées de la réalité.
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