L’AVIS DU « MONDE » – POURQUOI PAS
Paris, la nuit, dans le miroitement des phares blancs des voitures, des sirènes bleues des ambulances, des couvertures de survie dorées emmitouflent les silhouettes. Parmi elles, un couple hébété erre dans le désordre, puis gagne les rues silencieuses. Le lendemain, l’homme et la femme se réveillent dans leur appartement. Elle s’attelle aussitôt aux tâches ménagères. Lui traîne du lit au canapé, avant que ne le tétanise soudain une crise d’angoisse. Elle tente de le calmer.
Un premier flash-back nous ramène à la soirée précédente, au moment où Céline (Noémie Merlant) et Ramon (Nahuel Pérez Biscayart) se rendent tous deux au Bataclan où des amis les attendent. Ces séquences inaugurales résument le film d’Isaki Lacuesta, tant sur le contenu que sur la forme. Puisqu’il s’agit désormais de suivre le quotidien de ce jeune couple, après les attentats du 13 novembre 2015. Lesquels surgissent en de nombreux retours en arrière – la musique, la gaieté, les premiers tirs, la panique, les corps précipités… – qui s’escriment à montrer l’immontrable et nous rappeler la violence du traumatisme subi.
Mode binaire
Les personnages feront ce qu’ils peuvent, le couple n’y survivra pas. Présents tous les deux dans la salle de concert parisienne au moment de l’attaque terroriste, chacun réagira en effet de manière diamétralement opposée. Tandis que Ramon ressassera en boucle les événements et se laissera submerger au point de devoir quitter son travail, Céline tentera au contraire d’oublier et de reprendre une vie normale.
Adapté du récit Paz, Amor y Death Metal (éditions Tusquets, 2018, non traduit), de l’Espagnol Ramon Gonzales (rescapé du Bataclan), Un an, une nuit met donc en scène, à la place de l’auteur, un couple dont la lente séparation s’effectue sans presque crier gare, au fur et à mesure des gestes et des jours répétitifs. Filmés la majeure partie du film en caméra portée, au plus près des visages, de la peau, des corps, les personnages agissent chacun selon le registre qui lui a été d’emblée assigné, sans que jamais de hauteur soit prise.
A l’inverse de certains films sur ce même thème (Amanda, de Mikhaël Hers, 2018 ; Revoir Paris, d’Alice Winocour, 2022), cette absence de point de vue qui abandonne le film à son mode binaire – confrontation de deux attitudes, alternance entre passé et présent – nuit à la puissance du propos. Et ne fait hélas que rendre plus visibles les faiblesses de la réalisation, plus proche ici du reportage que du cinéma.
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