Transition agricole : trois livres pour « changer les règles du jeu »

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Livres. C’est un paradoxe : l’agriculture est sortie du quotidien d’une majorité de Français, ne faisant travailler plus que 2 % de la population active (contre 31 % au lendemain de la seconde guerre mondiale), mais le secteur se trouve, plus que jamais, à la croisée de nombreux enjeux. Tout d’abord, celui de la sécurité, car si les famines sont pour beaucoup dues aux violences armées, le manque de nourriture peut, lui aussi, être source de conflits. Celui de la santé aussi, car l’alimentation est un facteur de prévention contre nombre de maladies, mais peut, à l’inverse, favoriser des pathologies lorsqu’elle n’est pas adaptée. L’enjeu climatique et environnemental, bien évidemment, l’agriculture pouvant être à la fois un facteur aggravant et une victime du réchauffement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Enfin, la problématique de la cohésion sociale avec la survie des territoires ruraux.

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Trois livres sortis à quelques mois d’intervalle explorent les mutations à mener pour que le secteur agricole puisse faire face sur ces différents fronts. Dans La Révolution agroécologique, Mathieu Calame, agronome et directeur de la Fondation Charles-Léopold-Mayer, analyse les transitions et politiques souhaitables pour l’avenir, en retraçant l’histoire des politiques agricoles modernes et comment elles ont façonné le modèle industrialisé aujourd’hui dominant. Il souligne les impasses dans lesquelles ont été conduits des pays faiblement industrialisés, dont l’essentiel de l’économie a été orienté vers une agriculture de rente (café, coton, cacao), entraînant de fortes dépendances à l’importation de semences, d’engrais azotés et de pétrole.

Pour Mathieu Calame, mener une politique agroécologique est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit aussi d’une politique d’autonomie pour réduire les importations, dont la guerre en Ukraine a montré à quel point elles pouvaient être déstabilisatrices. Mais une telle politique serait vertueuse à d’autres égards : réduire le recours aux engrais azotés, en particulier, est une urgence pour le climat, car non seulement leurs facteurs de production sont de puissants émetteurs de gaz à effet de serre, mais leur fabrication même est très gourmande en énergie.

Une politique systémique

Le Pouvoir de notre assiette, écrit par l’association Solagro, se place davantage du côté des consommateurs. Solagro est à l’origine, en 2010, du scénario Afterres 2050, vaste travail de prospective sur le système alimentaire français, bien connu des pouvoirs publics, des syndicats et de la recherche, et qui représente l’équivalent pour l’agriculture du scénario Négawatt pour l’énergie. Ce livre en est le prolongement, en détaillant les contours d’une « assiette Afterres » soutenable. En rappelant que « la “Ferme France” est à 90 % organisée pour la “production animale” et à moins de 10 % pour la production de végétaux destinés directement à l’alimentation humaine », Solagro montre que l’empreinte alimentaire des Français (en surface, en gaz à effet de serre et en énergie) est trop importante. Pour la réduire, végétaliser fortement son assiette et augmenter la part du bio s’avèrent indispensables.

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