« Toute la beauté et le sang versé » : la croisade rageuse de Nan Goldin

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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

Rendue célèbre par son projet The Ballad of Sexual Dependency (1979-1986), chronique des rapports amoureux, immersion crue dans son intimité et celle de ses proches, composée de plus de huit cents diapositives projetées en boucle et accompagnées de musique, Nan Goldin n’a jamais eu besoin de personne pour se mettre en scène et montrer ce que les Etats-Unis passaient sous silence : drogue, prostitution, œil au beurre noir après coït, sida…

Pour la première fois, la photographe de 69 ans confie un bout de sa vie à une autre : Laura Poitras. Cette documentariste bostonienne de dix ans sa cadette mène une critique radicale de la société grâce à ses qualités indéniables d’investigation. My Country, my country (2006), montrait la vie en Irak sous occupation américaine, The Oath (2010), la prison de Guantanamo, et Citizenfour (Oscar du meilleur film documentaire en 2015) retraçait la genèse de l’affaire Snowden.

Récompensé par le Lion d’or au Festival de Venise en février, son dernier long-métrage, Toute la beauté et le sang versé, revient sur le dernier combat de Nan Goldin, lancé fin 2017. Devenue accro à un antidouleur, l’OxyContin, prescrit après une opération, l’ancienne icône des années 1980 a fait sienne la lutte contre les opioïdes aux Etats-Unis, où ces médicaments ont rendu les gens dépendants et fait 500 000 morts ces dernières années.

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Le documentaire suit les actions du groupe PAIN (Prescription Addiction Intervention Now), créé par Goldin contre la famille Sackler, dont la compagnie Purdue a fabriqué l’OxyContin. Réunions en coulisses, die-in (la foule s’est allongée pour mimer la masse des victimes au Metropolitan Museum of Art de New York, en 2018) et lancers d’ordonnances au Guggenheim rythment le film de part en part, selon l’idée fixe de Goldin : faire retirer le nom des Sackler des musées dont ils sont mécènes, effacer la mémoire de ces gens, quitte à annuler ses futures expositions.

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Documentaire biographique

Sur invitation de l’artiste, Laura Poitras se retrouve à nouveau au bon endroit au bon moment, mais son travail d’enquête consiste, cette fois, à prendre de la distance pour retracer l’histoire de la rébellion de son inspiratrice, à partir d’un foisonnement d’archives particulièrement intéressantes, constitué tout autant d’images rarissimes que de photos ultra-célèbres. Cet album de famille, archéologie intime de la sédition de Nan Goldin, donne chair et humanité à son combat contre la dépendance. Tout cela commence par le portrait de sa grande sœur, Barbara, qui s’est jetée sous un train, à 18 ans, pour avoir aimé les femmes, victime de la banlieue bien-pensante de l’Amérique des années 1960.

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