« The Host » en version restaurée : le retour du monstre géant de Bong Joon-ho

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Une créature mutante et gigantesque, visiblement engendrée par la pollution émise par une entreprise américaine, surgit des profondeurs du fleuve Han à Séoul et s’attaque aux pique-niqueurs du dimanche. Elle enlève une petite fille que sa famille va tenter de retrouver malgré l’opposition des autorités. Près de vingt ans après sa sortie en salles, il est à nouveau permis de revoir, dans les meilleures conditions possibles, celles d’une restauration spectaculaire, le troisième long-métrage de Bong Joon-ho. Le cinéaste, depuis, a réalisé cinq films pour le cinéma et obtenu une Palme d’or au Festival de Cannes en 2019 avec son Parasite, cruelle fable sociale et moliéresque.

Lorsque l’on découvrit The Host, en 2006, réalisé après le polar Memories of Murder, on ne s’étonna pas trop de la façon dont le cinéaste avait su lier, et dépasser, une fois de plus, les exigences d’un genre cinématographique avec une vision politique particulièrement sagace. Le film de monstre géant, sous-catégorie enfantine, voire infantile, de la science-fiction était depuis longtemps passé de mode. Les créatures gigantesques du cinéma nippon, copiées en leur temps par l’industrie coréenne du divertissement, semblaient appartenir à un moment disparu de l’histoire du cinéma.

Refoulé familial

L’histoire de ce monstre exprimait, en fait, le réveil d’une conscience politique. Métaphore écologiste et anti-impérialiste, le film de Bong Joon-ho dénonçait le présent vécu par la Corée du Sud en ayant recours à certaines images, dont celle du héros brandissant un cocktail molotov. Des images surgissant comme des souvenirs, des injonctions venues d’un passé qui ne passe pas, celui des mouvements de protestations contre la présence américaine et le régime militaire des années 1970 et 1980. Cette dimension politique et satirique se confirmera dans les titres suivants.

A la lumière pourtant de sa filmographie ultérieure, le film prend une signification plus subtile et plus étrange encore. The Host est aussi la peinture bouffonne d’une famille à laquelle il manque un élément. Et la créature marine n’apparaît-elle pas aussi comme une sorte de refoulé familial ? C’est la Mère absente et maléfique qui fait son retour sous une forme monstrueuse. Le film que réalisera Bong Joon-ho juste après The Host sera justement Mother (2010), soit la peinture d’une passion maternelle pathologique et monstrueuse.

The Host, d’ouvertement politique, devient ainsi psychologique. La dimension tératologique des prescriptions et de l’imagerie du genre est donc ici l’expression d’une névrose intime. Le film réussit ainsi une forme de synthèse parfaite, entre le pamphlet burlesque et la description critique d’un dérèglement à la fois social et individuel.

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