Tapie s’ouvre sur une entrée triomphale. Dans la grande enceinte de la Santé, des voix mâles scandent le nom du chanteur, homme d’affaires, politicien, acclament Bernard… Lui n’en a cure, occupé qu’il est par la procédure de placement sous écrou de la prison parisienne, où il s’apprête à purger sa peine, après sa condamnation dans l’affaire VA-OM. On est en 1997.
Cette première séquence, qui sera aussitôt suivie d’un grand saut dans le passé, esquisse les contours du terrain sur lequel se joueront les sept épisodes de Tapie, ainsi que les règles de ce jeu. Si l’on est assez vieux, on refera au fil des ans – de l’après-68 à la fin du siècle – le parcours de Bernard Tapie, mort en 2021 ; les étapes de ce qui s’apparente plus à un tour sur les montagnes russes qu’à une carrière seront soumises à des compressions, des ellipses qui permettront d’en exprimer les images indélébiles – comme cette entrée en prison – afin de composer un portrait ; enfin, l’adulation qui entoure le protagoniste est un stigmate autant qu’une aura.
Le Tapie d’Olivier Demangel et Tristan Séguéla – les créateurs de la série Tapie sur Netflix – et de Laurent Lafitte, son remarquable interprète, n’est pas un antihéros, un innovateur incompris ou un enfant en quête d’amour (même si ces facettes brillent tour à tour). C’est avant tout un homme qui court sans répit pour échapper aux conséquences de ses actes, jusqu’à se faire rattraper.
Faisant passer au premier plan ces conséquences – le coût social des « sauvetages » d’entreprise, la confusion entre spectacle et politique, la corruption, des sportifs ou des juges –, Tapie se distingue ainsi de la plupart des biographies filmées qui s’attachent plutôt aux causes d’un comportement. Ce choix place les auteurs et l’interprète à la juste distance du personnage.
Distribution impeccable
Dès le premier épisode, qui présente le chanteur raté (il a pourtant gagné un télécrochet face à Michel Polnareff) tentant d’éviter la ruine à force de manœuvres aux frontières de la légalité, Bernard Tapie apparaît armé de pied en cap. Imperméable au doute, il entame un pas de deux avec un homme d’affaires sans scrupule (Fabrice Lucchini), avant de lui subtiliser sa fidèle assistante, Dominique (Joséphine Japy), qui deviendra sa compagne, hybride de Lady Macbeth et de Pygmalion (l’aspirant millionnaire a beaucoup à apprendre des usages du beau monde).
Il ne faut pas chercher dans Tapie un récit minutieux des péripéties qui ont transformé un entrepreneur maladroit en titan des affaires. Le scénario préfère s’attarder sur quelques épisodes, pour en tirer toute la force comique (comme la confection du film publicitaire pour la société Cœur-Assistance, qui valut à Bernard Tapie sa première condamnation, pour publicité mensongère) ou l’intensité dramatique (la confrontation avec les syndicalistes de Wonder, le fabricant de piles qu’il rachète pour un franc).
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