Sur la plate-forme Vox, le musicien Jake Blount redonne ses lettres de noblesse au banjo

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VOX/YOUTUBE – À LA DEMANDE – VIDÉO

Why This Instrument Explains Black American Folk Music. Sur la plate-forme Vox de YouTube, dans un décor rural et naturel, sourire aux lèvres et ton léger, Jake Blount, jeune musicien américain de 26 ans, virtuose du banjo, raconte pourquoi, selon lui, cet instrument à cordes et le folk noir américain ont partie liée. Pourquoi ils furent si longtemps « négligés et mal interprétés ». Pourquoi et comment ce genre musical fut carrément « parodié et volé » par les labels et artistes blancs.

Pendant l’esclavage et la période qui a suivi, on a logiquement associé le banjo aux Noirs, puisqu’ils l’utilisaient depuis déjà près de deux siècles. Au XIXe siècle, les minstrels (« ménestrels ») ont commencé à se peindre le visage en noir (le fameux « blackface ») pour jouer de cet instrument pour un public blanc, « tout en tournant en dérision la tradition musicale noire », dit Jake Blount.

Là est le paradoxe : c’est « l’appropriation culturelle » par les Blancs qui a participé à la popularisation du banjo et de la musique qui va avec. Le bluegrass (version champêtre de la musique country) est apparu ainsi le principal moyen de connaître cet instrument à cordes, comme l’illustre le film Alabama Monroe (2012), de Van Groeningen, qui met en scène un joueur de banjo blanc appartenant à un groupe de bluegrass, ou Délivrance (1972), de John Boorman, dans lequel un duo guitare-banjo entre deux Blancs est devenu culte.

Mentors et collaborateurs noirs

Assez vite, déplore Jake Blount, les labels « ont décidé de confiner les musiciens noirs dans la catégorie “Race Records” et les blancs dans la catégorie “Hillbilly Records” » – « hillbilly » signifie « péquenaud » en américain. Résultat : les personnes noires qui composaient de la musique « hillbilly » au banjo (les premiers groupes de country et de string band) ne pouvaient pas les publier à cause de leur couleur de peau, et étaient cantonnées aux musiques « noires » – qui deviendront les plus prisées – : le jazz et le blues.

L’ironie est que beaucoup des premiers musiciens blancs de country avaient des mentors ou des collaborateurs noirs, comme Lesley Riddle (1905-1979), qui a enseigné à la famille Carter, trio légendaire de la country dont l’une des filles a épousé Johnny Cash (1932-2003). Comme on peut l’imaginer, ces professeurs n’ont jamais été enregistrés eux-mêmes.

Le dernier album de Jake Blount, The New Faith, a été publié par Smithsonian Folkways Recordings, en septembre 2022, dans le cadre de la continuité de cet héritage. Cet « album afro-futuriste qui explore les sons traditionnels du folk noir après la crise climatique », ainsi que le décrit son auteur, a été salué par The Guardian et Rolling Stone. Le fil rouge de l’album est une dystopie qui met en scène une petite communauté de Noirs obligés de s’enfuir du continent américain ravagé par la guerre. Jake Blount y met en scène le banjo pour célébrer ses prédécesseurs et leur rendre justice. « Il s’avère que la technique qu’ils ont développée pendant cent ans est… bien », conclut-il sur le ton de l’évidence, avec un sourire ironique.

Why This Instrument Explains Black American Folk Music (EU, 2022, 9 min), vidéo disponible sur la plate-forme Vox sur YouTube.

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