Pour passer directement des monts de Norvège (qui ont servi de décor au précédent épisode) aux collines de Hollywood, il suffit d’un jet privé. Mais aussi luxueux que soit le modèle, il lui faut quand même refaire le plein. Quel endroit plus propice à la trahison que le tarmac d’un aéroport ? Pendant que leurs appareils se repaissent de carburant fossile, Siobhan « Shiv » Roy (Sarah Snook) autorise Lukas Matsson (Alexander Skarsgard) à monter à bord.
On est à l’aube de la journée des investisseurs, organisée à Hollywood entre les décors du studio de cinéma de Waystar, lors de laquelle les héritiers de feu Logan Roy doivent présenter à leurs actionnaires le plan de reprise du trust familial par GoJo, la plateforme de streaming de Matsson. Shiv sait que ses frères, Kendall (Jeremy Strong) et Roman (Kieran Culkin), ont décidé de faire capoter la transaction, décision qu’ils ont prise sans son accord. Et dans le secret de la cabine de son avion, elle conclut de son côté un pacte avec le milliardaire suédois : elle l’informera des manœuvres de ses frères tout au long de cette journée décisive.
Quelques traces d’intégrité
Du trio d’héritiers, Siobhan a le mieux préservé son mystère, qui ne fera que s’épaissir pendant l’heure suivante. Prête aux mensonges les plus toxiques, elle a conservé quelques traces d’intégrité (d’où sa répugnance à l’égard d’ATN, la version fictionnelle de Fox News, joyau de l’empire Waystar) ; d’une infinie cruauté à l’égard de son époux Tom Wambsgans (Matthew Macfadyen), elle ne peut se défendre d’une affection irrépressible pour le père de son enfant à venir (une nouvelle qu’elle s’est bien gardée de communiquer à l’intéressé). C’est elle qui a le mieux percé à jour la perversité de son père, mais c’est elle aussi qui le pleure vraiment (elle a réservé une salle de réunion pour y verser ses larmes au calme). Au bout du compte, Siobhan a beau avoir prouvé encore et encore qu’elle est incapable de diriger une multinationale, c’est la seule à embrasser avec un peu de réalisme la situation dans laquelle la mort de Logan a placé les prétendants au trône.
Sur ce continuo mélancolique, ce sixième épisode bâtit un édifice baroque, instable, qui se plie aux caprices de Kendall et de Roman. Baptisé Living+, cette heure exquise réunit le trio qui fit naguère (le 28 novembre 2021) le succès de Too Much Birthday, l’épisode de la troisième saison qui mettait en scène le somptueux et calamiteux anniversaire de Kendall.
Comme possédé
La réalisatrice Lorene Scafaria, les scénaristes Georgia Pritchett et Tony Roche poussent à nouveau l’aîné des Roy sur scène, devant les actionnaires de Waystar, à qui il doit présenter l’ultime projet de la multinationale conçu par Logan Roy, Living+, qui doit « implanter sur la terre ferme l’expérience des croisières » (activité qui a puissamment contribué à la fortune du groupe avant d’être à l’origine d’un scandale sordide). En bref, il s’agit de construire des villages pour personnes âgées. Même Logan, qui avait avant sa mort tourné une vidéo promotionnelle, n’y croyait pas vraiment. Au moins cette vidéo est l’occasion de la réapparition du patriarche, récitant son compliment sur fond vert. A la troisième prise, il assène à l’équipe de tournage qu’elle est « aussi incompétente que [ses] enfants ».
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