En 2023, le paysage des plates-formes de streaming fait penser à celui des vidéoclubs au début des années 1980. Les enseignes disparaissent du jour au lendemain (Salto, Starz-Lionsgate), changent de propriétaire (OCS, désormais acquise par Canal+) ou de diffuseur (HBO, qui est passé, provisoirement, d’OCS à Amazon), pendant que – pour ne parler que de la France – de nouvelles boutiques ouvrent (Paramount+, Universal+…). Dans cet environnement instable, les séries croissent et se multiplient en même temps que leur espérance de vie se fait de plus en plus incertaine.
A la menace de l’annulation après une première saison qui n’a pas rencontré les objectifs fixés par les algorithmes s’ajoute maintenant celle de la disparition pure et simple. Sous l’impulsion de sa nouvelle direction, HBOMax a procédé à un nettoyage brutal de son catalogue, qui a escamoté de nombreux titres, dont le plus fameux est Westworld. Warner Bros-Discovery, la maison mère de HBOMax, en a cédé les droits à Roku et Tubi, plates-formes américaines gratuites financées par la publicité. L’utopie qu’avait fait miroiter l’émergence de Netflix et de Prime Video – une offre illimitée dans sa diversité comme dans sa durée – s’éloigne sous la pression des actionnaires des multinationales, qu’elles soient issues du show-business ou de la tech.
Du poste d’observation privilégié que lui offre sa position de directrice du festival Séries Mania, Laurence Herszberg constate que ces « changements capitalistiques entraînent des repositionnements éditoriaux ». Ou, comme le dit plus crûment un producteur français qui approvisionne aussi bien les chaînes que les plates-formes, « aujourd’hui, Netflix est plus conservateur que TF1 ». Les millions d’abonnés de la plate-forme fondée par Reed Hastings la poussent à la prudence, alors que la chaîne privée française doit à la fois lutter contre la baisse de sa part d’audience « linéaire » (celle qui regarde la télévision) et se réinventer en tant que plate-forme de streaming, ce qui incite à l’innovation.
Ça va mal à Hollywood
Aux Etats-Unis, la combinaison de la croissance du nombre total d’abonnés et de son fractionnement entre plates-formes différentes a conduit à la proclamation de la fin de l’âge d’or. Un récent article de Slate annonçait non seulement la fin de la peak TV – le sommet de la télévision, qui, en termes de nombre de titres proposés aux Etats-Unis, a été atteint en 2022 avec 599 séries diffusées ou mises en lignes, soit 300 de plus que dix ans plus tôt –, mais aussi l’avènement de la trough TV (la télévision du creux), une baisse qui concerne aussi bien la quantité que la qualité.
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