Sandra Hüller : « Les personnages simples ne m’intéressent pas »

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Sept ans après que Toni Erdmann a révélé la richesse de son jeu au public cannois, Sandra Hüller revient doublement en compétition. Dans The Zone of Interest, de Jonathan Glazer, elle interprète l’épouse du commandant du camp d’Auschwitz-Birkenau. Avec Anatomie d’une chute, de Justine Triet, elle campe une autrice accusée du meurtre de son compagnon. Deux rôles qui témoignent de la stature internationale acquise par cette comédienne de 45 ans, loin du village d’ex-Allemagne de l’Est où elle a passé son enfance.

Comment Jonathan Glazer vous a-t-il convaincue de jouer dans « The Zone of Interest » ?

J’ai beaucoup hésité. Au départ, une directrice de casting que j’adore, Simone Bär, m’a proposé de lire un projet secret, autour d’un couple. Quand j’ai appris que le tournage aurait lieu à Auschwitz, j’ai été choquée. Par le passé, j’avais refusé plusieurs rôles de fasciste, parce que je ne voulais pas dire ou faire certaines choses… L’approche de Jonathan est novatrice. Il ne s’agit pas de recréer une époque ou de susciter des émotions, juste d’observer. Il y a une dimension métaphysique, notamment grâce à la bande-son de Mica Levi.

Le tournage fut-il éprouvant ?

Psychologiquement, oui. Il a fallu faire abstraction de tout ce que l’on sait de ce lieu si particulier, pour entrer dans la tête des personnages, qui semblaient heureux. Ils vivaient dans le déni. En général, sur un tournage, je suis traversée par beaucoup de sentiments inattendus ; cette fois, rien de tel ne s’est passé. J’étais juste là, sans m’impliquer. C’était clinique.

Avez-vous lu le livre de Martin Amis qui a donné son titre au film ?

Non, car Jonathan nous a expliqué combien il s’en était éloigné. J’ai lu une courte biographie de mon personnage et de son mari, Rudolf Höss. Ils rêvaient de tenir une ferme, avec leurs enfants, après la guerre. Elle était originaire de Lusace, d’où vient une partie de ma famille. L’accent de cette région m’est familier.

En quoi consistait le dispositif de tournage ?

Nous étions filmés par dix caméras, simultanément. Jonathan les coordonnait à distance. Il voulait qu’on se sente observés, sans trop interférer. Cela nous libérait de certains passages obligés : plus besoin de mettre de la poudre sur la peau, de regarder dans telle direction quand la caméra zoome… C’était une expérience pour nous tous. Personne ne savait si ça marcherait.

Qu’est-ce qu’un bon réalisateur, selon vous ?

Quelqu’un qui crée une pièce où jouer ensemble. Certains veulent tout contrôler, à tort. Jonathan dit qu’il ne se considère pas comme un réalisateur. Il apporte des suggestions pour créer une atmosphère, sans jamais se placer en surplomb. Nous sommes sur un pied d’égalité, c’est une vraie collaboration. Cela devrait être la norme, mais ça ne l’est pas.

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