« Sambre », sur France 2 : autour du violeur en série, trente ans de silence

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FRANCE 2 – LUNDI 13 NOVEMBRE À 21 H 10 – SÉRIE

L’histoire du « violeur de la Sambre » est celle d’un dysfonctionnement aux conséquences redoutables. Celui qui a permis à Dino Scala de violer et agresser sexuellement des dizaines de femmes durant une période de trente ans, dans un périmètre restreint et avec un mode opératoire d’une remarquable constance, sans être inquiété. Il aura fallu attendre une énième agression, en 2018, pour que des recoupements soient faits, que l’ADN « parle » enfin et que l’homme soit identifié, et arrêté.

Pour comprendre les raisons d’un tel fiasco judiciaire, le réalisateur Jean-Xavier de Lestrade reprend la méthode de la série Laëtitia (2020) et construit son récit à partir de l’enquête de la journaliste Alice Géraud, Sambre. Radioscopie d’un fait divers (JC Lattès, 400 pages, 21,50 euros), publiée en janvier. Il en résulte une fiction d’une grande justesse, qui allie une précision documentaire à une dramaturgie inventive, et déjoue les pièges du true crime tel qu’il est produit de nos jours, c’est-à-dire à la chaîne.

D’ailleurs, Sambre choisit dès ses premières images de ne pas s’inscrire dans les codes de la série policière. Ici, aucun mystère, pas de crime à élucider, car le coupable est désigné dès le début – il s’agit d’Enzo, ouvrier affable et populaire, marié et père de famille, employé modèle et entraîneur de foot pour les gamins du coin. « Je connais tout le monde ici, et tout le monde connaît Enzo ! », jubile le jeune homme dans le premier épisode, lorsqu’il fait visiter l’usine à un petit nouveau. Effectivement, tout le monde connaît, mais personne ne soupçonne, cet homme qui repère ses proies sur la route, tôt le matin, lorsqu’elles se rendent à leur travail. Ce qu’il leur fait ensuite est laissé hors champ – Sambre tient soigneusement à distance le pathos et le voyeurisme trop souvent associés aux violences exercées contre les femmes.

Plutôt que les actes, Lestrade filme les conséquences. Les corps meurtris des victimes, leur visage sidéré, les traces que le viol imprime sur le quotidien, le couple, la famille. L’effroi, la honte, le silence. Silence qui pèse d’autant plus lourd que les victimes s’en sortent vivantes. Il n’y a pas mort d’homme et, « ici, on essaie de limiter la paperasse », prévient un policier. Le violeur inflige en outre une double peine, à la fois sur ses victimes et sur le nord de la France, sinistrée par une désindustrialisation qui s’accélère dans les années 1980. Personne n’a envie de parler de ce qui s’y passe. Sambre est l’histoire d’un violeur qui continue d’agir non pas parce qu’il est insaisissable, mais parce que la parole des victimes n’est ni audible ni entendue.

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